On vote à gauche, on est à fond pour la mixité, of course, les droits des femmes et des minorités itou. On manifeste, voire on milite pour porter haut ces valeurs. Et quand on va draguer sur Tinder, on balaie d’un doigt tout profil de prétendant·e de couleur. Oups ! Entre nos paroles et nos actes, ça matche pas vraiment…
C’est dans un moment d’errance sur Tinder, en faisant défiler ses conquêtes virtuelles, qu’Hugo – profil de gendre idéal de 26 ans, analyste dans la finance – se prend une claque. Il réalise que les femmes qu’il a likées et qui l’ont liké en retour ont un point commun : elles sont toutes blanches. « Quelques Asiates aussi, tempère-t-il habillé d’une chemise immaculée, mais quasi aucune Black ou Maghrébine*. » Sur un palmarès d’environ quatre-vingts matchs, il ne compte qu’une femme noire. Le constat fait voler en éclats ses convictions antiracistes. Plus tard, en soirée, vérification. « Entre potes, on se pique souvent nos téléphones pour déconner avec le Tinder des uns et des autres. Et là, en ouvrant l’appli d’un ami, même constat. Ça nous a mis face à nous-mêmes : on est des petits Blancs d’école de commerce aux préférences rodées. »
Ce triste miroir, Pauline, apprentie journaliste – blanche – auréolée de frisettes caramel, l’a aussi confronté récemment. Elle tique en tombant sur l’appel à témoignages lancé pour cet article. « Je me suis rendu compte que je ne likais que des babtous fragiles et des Asiates, écrit-elle dans son premier message. Pas de Blacks et un seul Rebeu. » Grosse remise en question. En discutant, elle se reprend d’ailleurs souvent sur l’utilisation des termes « black », « asiate » ou « rebeu », qu’elle sait teintés de néocolonialisme. « Merde, mais est-ce que je suis raciste ? »
Miroir du racisme
De l’autre côté de l’écran, ce sont des utilisateurs comme Nicolas, vingtenaire[…]