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Municipales : les femmes sont-​elles (enfin) des hommes poli­tiques comme les autres ?

C’est une première pour la Ve République ! En emportant un nombre historique de villes, Europe Écologie-Les Verts (EELV) sortent grands gagnants des élections municipales 2020. Mais ce n’est pas tout. Si elles ont vu déferler une vague verte, ces élections ont également été le théâtre d’une parité parfaite et inédite dans les dix plus grandes villes de France. Mais les femmes sont-elles réellement les autres gagnantes du dimanche 28 juin ?

Anne Hidalgo à Paris, Martine Aubry à Lille et Johanna Rolland à Nantes (toutes au PS) réélues ; les écologistes Jeanne Barseghian et Michèle Rubirola, qui arrachent Strasbourg et Marseille. Pour la première fois dans l’histoire de la Ve République, le club des dix plus grandes villes de France devient paritaire. Un symbole alors que le 6 juin dernier, on fêtait les 20 ans de la Loi sur la parité, celle qui favorise l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux. Mais derrière cette égalité somme toute parfaite, sur l’ensemble du territoire, ça bouge lentement. Le passage aux urnes dimanche 28 juin faisant passer ce taux de 16 à 20 % entre 2014 et 2020. « Un effet de loupe qui joue sur les grandes villes », selon Sandrine Lévêque, professeure de science politique à l’université Lyon-II et au Laboratoire Triangle. Pour la politologue, mettre uniquement l’accent sur les élections des grands centres urbains, c’est oublier que le champ politique reste un entre-soi masculin, blanc, âgé et cis-hétéro. 

« On peut s’enthousiasmer de cette parité à la tête des plus grandes villes de France, c’est une victoire, mais 20 % de femmes en 2020, ça signifie que c’est toujours 80 % d’hommes à la tête des communes de France », dénonce Sandrine Lévêque. Un chiffre écrasant qui va de pair avec la taille de la commune. Lorsqu’on dézoome, on s’aperçoit rapidement que cet écart se creuse : sur les 41 communes de plus de 100 000 habitant·es, seulement douze femmes ont été élues le 28 juin. Et les communes de moins de 3 500 habitant·es affichent un taux de 19,6 % de maires femmes. Un phénomène qui s’explique par une moyenne d’âge souvent plus élevée et des partis très bien implantés localement. « Difficile donc pour ces candidates de renverser la tendance et de mettre fin à des décennies de baronnies », déplore Sandrine Lévêque.   

Femmes politiques essentialisées

« Ces femmes sont des pionnières et leur visibilité est très intéressante, mais il ne faut pas qu’elles soient l’arbre qui cache la forêt des discriminations », analyse Sandrine Lévêque. Cette parité arrachée dimanche 28 juin dans les grandes villes sert donc la cause, mais ne doit pas en devenir sa caution. Par ailleurs, pour parler d’une véritable avancée paritaire, il faudra attendre d’avoir les résultats précis du partage des délégations au sein des conseils municipaux. « Dans la majorité d’entre eux, on assiste toujours à une division du travail genrée, observe la chercheuse. Les femmes sont encore surreprésentées aux affaires scolaires, sociales et à la santé. » Ce stéréotype de la femme maternelle, douce, soignante et attentionnée a toujours la peau dure comme on l’a vu durant la pandémie : Nouvelle-Zélande, Danemark, Allemagne, Taiwan ont été pris en exemple par les médias à l’international pour leur gestion de la crise sanitaire. Cette même presse n’a pas manqué de souligner que ces États avaient en commun d’être dirigés par des femmes – alors que d’autres pays dirigés par des hommes ont eux aussi su gérer la crise ! Derrière cette interprétation, l’idée encore bien ancrée que les femmes politiques seraient davantage compétentes pour faire face à une pandémie mondiale, car naturellement plus compatissantes. Allez dire ça à Laetitia Avia, dont les assistant·es parlementaires ont dénoncé le harcèlement moral !

Sandrine Lévêque met en garde contre les travers de l’essentialisation qui prêtent aux femmes des caractéristiques immuables et par essence féminines : « Une femme devrait être un homme politique comme un autre, avec ses ambitions et sa propre libido politiques. » Commençons par envisager une multiplicité du genre… Et qui sait, en 2046, on ne s’étonnera peut-être plus du nombre d’élues.


La première élection d’une femme transgenre : symbole d’une ère nouvelle ? 

« Le club des cinq » n’est pas le seul caractère inédit de ces élections municipales. Marie Cau est devenue, le 15 mars, la première maire transgenre élue en France, dans le village résidentiel de Tilloy-lez-Marchiennes (Nord) de 530 habitant·es. L’envie de se lancer sur la scène politique locale lui est venue en 2019 lorsque, avec d’autres, elle ressent l’envie de réveiller ce village endormi. Sa liste, « Décider ensemble » souhaite développer l’économie locale, réconcilier agriculture et environnement et faire davantage pour les personnes isolées. Depuis son élection, son nom fait le tour du monde, Marie Cau est devenue le symbole d’une normalité possible. « En rendant visible la transidentité, la maire de Tilloy-lez-Marchiennes participe à banaliser les choses, car cela reste toujours très compliqué pour les femmes trans, LGBT, de se faire une place dans le milieu politique », souligne Sandrine Lévêque. Comme le prouvent les propos homophobes tenus par un collaborateur de la majorité municipale de Toulouse à l’encontre du candidat écologiste François Piquemal. 

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