Philippe Loiret © Wikipedia
Philippe Loiret © Wikipedia

#MeToo ciné­ma : Philippe Lioret mis en cause par dix femmes pour com­por­te­ment dépla­cés et agres­sions sexuelles lors de castings

Un repor­tage de la cel­lule inves­ti­ga­tion de radio France révèle que Philippe Lioret, réa­li­sa­teur en vogue dans le début des années 2000, est mis en cause par dix actrices qui dénoncent des com­por­te­ments abu­sifs, des bai­sés for­cés et autres gestes dépla­cés lors de castings. 

Été 2010, Philippe Lioret ren­contre une cin­quan­taine d’actrices pour son pro­chain long-​métrage, Toutes nos envies. Aujourd’hui, c’est dix de ces femmes qui mettent en cause le réa­li­sa­teur et prennent la parole dans un repor­tage de Radio France pour dénon­cer les com­por­te­ments dépla­cés du réa­li­sa­teur et mettre en lumière les vio­lences sexistes sexuelles dont les actrices sont vic­times lors des castings.

Élodie Frenck en fait par­tie. Elle raconte : “J’apprends mon texte, j’y vais, et une fois sur place, il décide qu’il me don­ne­ra la réplique.” “Il a com­men­cé à être très insis­tant, il met­tait sa bouche dans mon cou, j’étais très mal à l’aise, je me déga­geais et il me disait : ‘Bah, tu veux le faire ou tu veux pas le faire ?’”, poursuit-​elle. Mal à l’aise, l’actrice décide de quit­ter le tour­nage, renon­çant au rôle pour lequel elle audi­tion­nait. Amandine Dewasmes, qui a pas­sé la même audi­tion, raconte son expé­rience, simi­laire, lors du tour­nage de cette scène d’intimité. En arri­vant sur le pla­teau, même méca­nisme, le réa­li­sa­teur lui apprend sur place que c’est avec lui qu’elle lira ses lignes. Très vite, il recom­mence à adop­ter des com­por­te­ments obs­cènes qui oppressent l’actrice : “À par­tir du moment où il m’a pris dans ses bras, où j’ai sen­ti ses mains et ses doigts sur mes hanches, son souffle dans mon cou, mon corps s’est pétri­fié. Je me rap­pelle m’être dit ‘mais je fais quoi avec ça ?’.” Les jour­na­listes de Radio France ont eu accès à cer­taines images de ces cas­tings et attestent qu’elles cor­ro­borent par­fai­te­ment les témoi­gnages des comédiennes.

“Il vou­lait abso­lu­ment qu’on voie le sein”

Dans la conti­nui­té de ces pre­miers témoi­gnages, Philippe Lioret aurait éga­le­ment deman­dé à cinq femmes qu’elles lui montrent leur poi­trine pen­dant des audi­tions, bien que le film ne com­porte aucune scène de nudi­té. Certaines évoquent l’humiliation qu’elles ont vécue. Une actrice très célèbre, qui a sou­hai­té res­ter ano­nyme, relate le jour où elle a dû quit­ter le cas­ting : “Il m’a dit : ‘Je vou­drais voir ta poi­trine, je dois la voir si je dois la fil­mer.’ Il y a quelque chose qui était mal­sain, qui n’était pas néces­saire. De toute ma car­rière, on ne m’a jamais deman­dé ça lors d’un casting.”

Une assis­tante du cas­ting, qui a éga­le­ment sou­hai­té gar­der son ano­ny­mat, confirme que le cinéaste por­tait un inté­rêt déme­su­ré pour la poi­trine des actrices qu’il audi­tion­nait. “Je me sou­viens de cette scène, pen­dant les essais, où il fal­lait abso­lu­ment mettre du par­fum sur l’aréole du sein de la comé­dienne. Il vou­lait abso­lu­ment qu’on voie le sein. Quand je don­nais la réplique aux actrices, j’avais pour ordre de tirer sur leur soutien-​gorge et de sor­tir leur sein.”

Des bai­sés imposés

D’autres actrices accusent le réa­li­sa­teur de les avoir embras­sées de force. Le pre­mier témoi­gnage remonte aux années 1990. Une actrice expé­ri­men­tée, sou­hai­tant elle aus­si conser­ver l’anonymat, raconte ce déjeu­ner au res­tau­rant en plein cas­ting, qui a déra­pé. Après que le réa­li­sa­teur lui a pro­po­sé le rôle prin­ci­pal dans son film, ils quittent ensemble le res­tau­rant. L’actrice raconte : “De manière assez bru­tale, il m’a attra­pée par les épaules et il m’a embras­sée, indu­ment. Et donc moi, je suis res­tée assez pétri­fiée, je ne com­pre­nais pas vrai­ment ce qu’il se pas­sait, d’où il a le droit de m’embrasser sans que j’aie don­né mon consen­te­ment ? De me trai­ter comme ça de manière bru­tale… Je consi­dère que c’est une agres­sion sexuelle.” Deux autres actrices racontent avoir subi des agres­sions simi­laires dans les années 2010, ce que Philippe Lioret dément.

Le moment du cas­ting : zone d’ombre du mou­ve­ment #MeToo cinéma ?

L’Association des acteur·ices (ADA), qui lutte contre les vio­lences sexistes et sexuelles dans le ciné­ma, alerte sur les cas­tings, moment de vul­né­ra­bi­li­té pour les actrices trop sou­vent négli­gé. “Un cas­ting est un entre­tien d’embauche. C’est un moment où nous sommes vul­né­rables, en attente de tra­vail”, explique à Radio France Clémentine Poidatz, membre du conseil d’administration d’ADA. En effet, à l’heure où des col­lec­tifs fémi­nistes militent pour un enri­chis­se­ment de la défi­ni­tion du consen­te­ment qui arti­cu­le­rait tous les rap­ports de domi­na­tions, l’argument du rap­port d’autorité pré­sent entre le réa­li­sa­teur et les actrices audi­tion­nées est évi­dem­ment à prendre en compte. “Je ne lui ai pas dit. Sans doute parce qu’il avait tous les pou­voirs à ce moment-​là, en par­ti­cu­lier celui de me don­ner ou pas ce rôle dont je rêvais”, témoigne Marie Gillain – qui a obte­nu le rôle prin­ci­pal dans Toutes nos envies – dans un texte envoyé à France Info.

“Il faut défi­nir des règles”

La comé­dienne Clémentine Poidask explique la volon­té du col­lec­tif ADA de défi­nir un cadre plus strict lors des cas­tings : “Notre métier, il faut qu’on le ramène tou­jours à la loi du tra­vail : un réa­li­sa­teur ne donne pas la réplique à une actrice, il ne donne pas rendez-​vous à des actrices à 20 heures ou dans des hôtels. Nous, c’est ce qu’on demande et c’est ce qu’on essaie de mettre en place aus­si. On essaie de mettre un cadre très clair en cas­ting.” L’avocate de Philippe Lioret déclare que le réa­li­sa­teur, qui réfute toute agres­sion sexuelle, s’excuse si son com­por­te­ment lors des cas­tings a pu “heur­ter” des comédiennes.

Partager
Articles liés

Inverted wid­get

Turn on the "Inverted back­ground" option for any wid­get, to get an alter­na­tive sty­ling like this.

Accent wid­get

Turn on the "Accent back­ground" option for any wid­get, to get an alter­na­tive sty­ling like this.