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Campanile de la Villette à Paris © Campanile

Demi-​victoire pour les salarié·es de trois sites du groupe Louvre Hotels, en grève depuis deux mois

Après 56 jours de grève sur quatre établissements pour une revalorisation des salaires, la CGT-Hôtels de prestige et économiques (HPE) et la direction du groupe hôtelier Louvre Hotels ont finalement trouvé un accord partiel, mettant fin aux deux mois de revendications des grévistes, le jeudi 21 juillet.

« Certaines salariées qui souffrent du dos ne prennent pas leur arrêt maladie, car souvent les indemnités journalières sont payées avec quinze jours ou un mois de retard », témoigne une salariée du Campanile de Gennevilliers au Monde, le 19 juillet. Femmes de chambre, employé·es polyvalent·es, lingères étaient mobilisé·es depuis le 26 mai dans quatre établissements du groupe mondial Louvre Hotels : selon la CGT Hôtels de prestige et économiques (HPE) à l'origine du mouvement, on trouvait 60% de grévistes dans les hôtels Campanile et Première Classe de Suresnes (Hauts-de-Seine), coordonné·es avec 90% des salarié·es du Campanile de Gennevilliers (Hauts-de-Seine) et 60% du Golden Tulip Villa Massalia de Marseille. 

En tout, 82 salarié·es sur 163, en grande majorité des femmes, ont tenu face pendant deux mois contre leur direction pour exiger une augmentation des salaires, dans un contexte d’explosion de l’inflation, ainsi que de meilleures conditions de travail. Rémunéré·es grâce à une caisse de solidarité durant cette période d’inactivité, les grévistes, habitué·es pour celles et ceux des sites de Suresnes, et novices à Gennevilliers, ont porté haut et fort leurs revendications. Parmi celles-ci : une hausse des salaires de 300€ par mois, une prime d’ancienneté mensuelle, une meilleure prise en charge des arrêts maladie, ainsi que l’arrêt des coupures en journée pendant le service. 

Une grève terminée, pour quel accord ?

Jeudi 21 juillet, les 56 jours de grève reconductible ont finalement pris fin, après un accord signé entre la CGT-HPE et la direction. Dans cet accord, que Causette n'a pas pu consulter, la CGT-HPE fait part d'une victoire : la mise en place prochaine de la subrogation pour les femmes de chambre, qui permet à l'employeur de percevoir les indemnités journalières à la place du salarié·e en cas d’arrêt maladie et donc au salarié·e de bénéficier d’un maintien de salaire sans attendre les versements des indemnités par l’Assurance Maladie. « Ça permet aux femmes de chambre qui ont déjà des métiers pénibles de ne pas avoir trop de trésorerie dans leurs salaires. Elles ont peur d’être en arrêt maladie car elles savent qu’elles devront courir après leur argent, déjà qu’elles sont mal payées... », explique Foued Slimani, délégué syndical de la CGT-HPE, à Causette. Selon lui, « les salariés étaient tellement heureux » après l’annonce de la négociation.

Le Monde a recueilli les témoignages de plusieurs travailleur·ses pour décrire leurs conditions de travail. Une première femme raconte : « Il y a quatre ans, en tirant les gros sacs de serviettes sales, je me suis fait une déchirure musculaire à la hanche. Le médecin m’avait proposé un arrêt, que j’ai refusé. Je m’arrête seulement lorsque je souffre trop », par peur de ne pas toucher les indemnités assez tôt pour vivre correctement. Une de ses collègues a, quant à elle, « un problème de diabète avec insuline. Le médecin a voulu m’arrêter, car j’étais très fatiguée, ma tension était trop élevée. J’ai refusé, en me souvenant qu’en 2019, lorsque j’ai été hospitalisée trois semaines, je n’ai pas eu de quoi payer le loyer ensuite. J’ai dû demander de l’aide. » L’obtention de cette subrogation représente donc une vraie réussite pour les grévistes et pour Foued Slimani, puisque la CGT « y court après depuis 2012. Ils ont donné leur accord sur le principe, maintenant ils vont devoir la mettre en place dans tous leurs hôtels. » Pour le syndicaliste cet acquis un « vrai impact sur la santé des femmes », même s'il ne règle pas tous les problèmes soulevés lors de la mobilisation

Lire aussi l Pénibilité au travail : ces femmes qui prennent cher dans leur chair

Les autres revendications n’ont pas encore été négociées mais des discussions sont prévues pour les mois de décembre 2022 et de janvier 2023 pour traiter notamment la question de la revalorisation des salaires, comme nous informe Foued Slimani. « Ils ont quand même pris en considération le fait qu’on veut discuter sérieusement lors des prochaines négociations annuelles obligatoires (NAO). Ils ont bien conscience que ce n’est plus possible maintenant. On est des bagarreurs », confie-t-il. « Nous, on est ouvert au dialogue, à la concertation, à l’échange. » Pourtant, M. Slimani nous apprend qu’il n’y a eu aucune négociation avant jeudi dernier. « Ils ne sont pas venus nous parler, ils ont oublié leurs salariés. Pendant deux mois, ils ont fait comme si on n’existait pas. » C’est pour cette raison que le délégué syndical se dit « moyennement satisfait de l’accord. Mais c’est parce que je suis exigeant ».

De la même manière, une personne qui a soutenu la grève et qui souhaite rester anonyme reste mitigée face à l’accord et se dit « insatisfaite, dans la mesure où la revendication principale n’a pas été obtenue », à savoir la hausse de 300€ des salaires. « Il faut dire la vérité, c’est une grosse augmentation à demander à la direction. Pour nous, c’est faible, pour eux, c’est une somme importante, souligne quant à lui Foued Slimani. Ils nous le disent clairement : "on a 187 hôtels, et vous, vous êtes trois hôtels. Si on augmente ici, on doit aussi augmenter tous les autres hôtels, on ne peut pas faire au cas par cas". »  

« Pendant deux mois, ils ont fait comme si on n’existait pas »

Si le Campanile de Gennevilliers vit sa première grève, les sites de Suresnes détiennent, quant à eux, une longue tradition de lutte. En 2012, après 28 jours de grève, les salarié·es avaient obtenu des hausses de salaires et la signature d’une charte sur l’égalité de traitement entre les salarié·es, qui a entraîné l’internalisation des salarié·es du nettoyage auparavant employé·es par un sous-traitant. Dans la foulée, une quinzaine d’hôtels du groupe ont à leur tour mis fin à la sous-traitance. En 2019, une grève de 43 jours au Campanile de Suresnes s’était soldée par des augmentations significatives du taux horaire et la fin de certains temps partiels pour du temps complet. 

Contactée, la direction des ressources humaines n’a pour l’heure pas répondu à nos sollicitations. Cependant, Laura Benoumechiara, DRH de Louvre Hotels, a indiqué au Monde qu’il ne s’agit que d’une « grève minoritaire dans le groupe ». Elle se dit également perplexe d’avoir vu cette grève « lancée un mois et demi après la signature d’un accord salarial, avec des revendications qui n’ont pas été abordées » pendant les NAO. « Ils disent qu’ils ne comprennent pas mais évidemment qu’on va signer quand il y a une augmentation de 2%, mais ce n’est pas nous qui sommes à l’origine d’une inflation tellement élevée que les gens sont en grande difficulté aujourd’hui », rétorque Foued Slimani. 

Aussi, pour la DRH, cette grève n’est qu’« un mouvement de soutien » à deux délégués CGT très actifs : M. Slimani et un salarié de Villa Massalia, tous deux mis à pied sans salaire pour faute grave depuis le 12 mai, et faisant l’objet d’une procédure de licenciement. Selon la direction, les syndicalistes auraient utilisé « des heures de délégation hors du temps de travail, qui a conduit à doubler leurs salaires ». Mais pour M. Slimani, ses heures n’auraient pas dû être prises en compte en tant qu’heures supplémentaires mais plutôt dans l’activité partielle, révèle-t-il au Monde. L’inspection du travail a refusé l’autorisation de licenciement M. Slimani le 8 juillet. Ce dernier reproche donc à la direction une erreur interne qu’iels tentent de faire porter aux deux mis à pied, et une justification pour discréditer leur mouvement. « On ne fait pas une grève de soutien pendant deux mois, et en plus pas deux semaines après l’annonce du licenciement », ajoute le syndicaliste. Au-delà de son cas personnel, l’homme voit sa procédure de licenciement comme une porte d’entrée pour permettre à la DRH de « se débarrasser de la CGT-HPE »

Malgré tout, le rassemblement des protestataires des trois sites devant le Campanile de La Villette à Paris, le mardi 19 juillet, demeure un temps fort de cette longue grève. Parmi les participant·es, plusieurs député·es de la Nupes, comme Rachel Keke ou Danielle Simonnet, avaient fait le déplacement pour apporter leur solidarité au combat des grévistes. La présence de Rachel Keke représentait un soutien d’autant plus symbolique qu'elle a elle-même participé à la grève de l’hôtel Ibis Batignolles - détenu, lui, par le groupe Accor - en 2019, aux côtés de vingt-sept autres femmes de chambre, à l'issue de laquelle elles avaient obtenu la baisse de cadence de travail et une nette augmentation des salaires.

Lire aussi l Victoire pour les femmes de chambre de l’Ibis Batignolles

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