100 banknote lot
© Robert Anasch

Application Bling : la face cachée d'une socié­té de mini-​crédit qui ne dit pas son nom

Créée en avril 2020 par Benjamin Daudignac et Pierre-Emoi Acar, l'application Bling propose aux particuliers « des avances instantanées » d'argent, jusqu’à cent euros. Derrière cette promesse alléchante se cache, selon l'association de consommateur·rices UFC-Que choisir, un système pernicieux de mini-crédit qui ne dit pas son nom.

« Bling vous dépanne 100 euros pour faire ce que vous voulez. » Sur son site, le slogan de l’application Bling suscite d’abord la curiosité puis, on peut le dire, la tentation. « Une avance de cash instantanée jusqu'à cent euros sans frais cachés, sans astérisque et sans petits caractères », c’est vrai que ça donne envie. À première vue, la démarche semble d’ailleurs être un jeu d’enfant. Il suffit de télécharger l’application mobile, d’entrer ses coordonnées bancaires et de choisir le montant demandé - jusqu'à cent euros donc. En quelques clics, le mini-crédit est alors viré « instantanément » sur le compte du souscripteur. Jusqu’ici, la start-up créée en avril 2020 par Benjamin Daudignac et Pierre-Émoi Acar et soutenue par la Banque Publique d'Investissement semble être le bon moyen de renflouer son compte en banque lorsque ce dernier a tendance à flirter dangereusement avec le rouge. Le tout sans subir de frais d'intérêt exorbitants.

Un « service » trop beau pour être vrai. « La promesse de Bling est de proposer des mini avances instantanées, alors que ce sont en réalité des mini-crédits à la consommation qui ne disent pas leur nom, assure Matthieu Robin, chargé de mission banque et assurance au sein d’UFC-Que choisir. C’est une nouvelle forme de crédit à la consommation qui comporte, comme les micro-crédits classiques, son lot de risques et de dangerosités, voire peut-être plus, car ici la technique est pernicieuse. » Explications. Premièrement, Bling utilise un marketing qui porte à confusion. Sur la page d'accueil du site, aucune mention des mots « crédit » ou « emprunt ». À la place, on retrouve plutôt les termes « dépanner » ou « avance gratuite ». Et pour cause : la durée de remboursement n'excède pas trois mois et que le montant du crédit est inférieur à 200 euros, Bling n’est pas considéré aux yeux de la loi comme une société de micro-crédit. Pour autant, il ne s'agit pas d'un organisme de bienfaisance. Le modèle économique de Bling repose sur les indemnités de retard de 8 euros de ses utilisateur·rices ainsi que sur la formule payante à 7 euros pour recevoir instantanément son avance. « Des gardes-fous pour être rentable », selon Benjamin Daudignac, le cofondateur de Bling, qui a lancé sa start-up à l'aide d'investissements privés.

Échapper à la réglementation

N'étant pas une société de micro-crédit, Bling n’entre pas dans le champ de la loi Lagarde qui régit, depuis le 1er juillet 2010, le crédit à la consommation. Une brèche juridique que les associations de consommateurs, comme UFC-Que choisir - qui a porté plainte en mai 2021 contre Bling mais aussi deux autres sociétés de mini-crédit, Cashper et Floa Bank pour « pratiques commerciales trompeuses » - comptent bien faire colmater. « Nous ne sommes pas contre ces mini-crédits, déclare Matthieu Robin, chargé de mission banque et assurance au sein d’UFC-Que choisir. Mais on demande aux pouvoirs publics de considérer que ce sont des crédits comme les autres et qu’ils doivent à ce titre être transparents sur ce que ça coûte réellement. »

Car Bling n’étant pas, pour le moment, sous le coup de la loi, elle n’est donc pas dans l’obligation d’avertir - contrairement aux banques - sur le risque de non-remboursement d’un crédit. Sur le site, il n’y a donc pas de mention de l’avertissement « un crédit vous engage et doit être remboursé ». La start up Bling assure, elle, que « cet argent c’est le vôtre, [elle] vous l’apporte juste un peu plus tôt ». Et, c’est bien là que le bât blesse. Cet argent n’est pas exactement celui de ses utilisateur·rices puisque si Bling « [les] dépanne », l’application entend bien récupérer cette somme sous trente jours maximum en la prélevant sur leur prochaine rentrée d’argent. Si ils·elles ne peuvent pas rembourser à la date prévue, il leur faut payer une indemnité de retard de 8%. Concrètement, si une personne emprunte 100 euros et qu'elle ne peut pas les rembourser à temps, elle devra alors payer 8 euros de frais supplémentaires en plus de la somme empruntée, soit 108 euros. Une pratique qui n’est pas mentionnée sur la page d'accueil du site. La promesse « d’une avance de cash gratuite et instantanée jusqu'à 100 euros sans frais cachés, sans astérisque et sans petits caractères » n’est donc pas au rendez-vous.

Et ce n’est pas tout. Le service « instantané » mis en avant par Bling n'est en réalité pas gratuit. En naviguant dans la Foire aux questions du site, on apprend qu’il faut, en effet, payer 7 euros pour recevoir la somme en deux minutes. Avec la formule gratuite, le virement prend une petite semaine. Un stratagème « pernicieux », selon Matthieu Robin car « la note flambe immédiatement et encore plus si vous avez du mal à la rembourser à la fin ». Si l’on additionne les 7 euros de la formule express ainsi que les 8 euros en cas de défaut de remboursement, le crédit de départ 100 euros aura donc finalement coûté 115 euros. 

« C’est inquiétant de laisser penser que c’est anodin d’emprunter. Même si ce sont des petites sommes, ça reste un crédit qu’il faut être sûr de pouvoir rembourser car un crédit que l’on ne maîtrise pas, c’est une grenade dégoupillée. »

Matthieu Robin, chargé de mission banque et assurance au sein d’UFC-Que choisir

Un taux « hyper bas » selon le cofondateur de Bling, Benjamin Daudignac qui ne juge pas l’application dangereuse et précise que « 80 % de [leurs] utilisateurs sollicitent d’ailleurs la formule instantanée. » En ce qui concerne les 8 % d'indemnités de retard, Benjamin Daudignac assure à Causette n’avoir « quasiment jamais d’impayés ». « Ce sont des petits montants, ajoute-il. Comme si on empruntait à un pote. » Pourtant ces « petits montants » peuvent se révéler, selon Matthieu Robin, « être un poids conséquent pour des utilisateurs ayant du mal à rembourser »

image
Capture d'écran compte Tik Tok de Bling. © A.T.

D’autant que Bling n’hésite pas à cibler sa publicité auprès d’un jeune public pas toujours averti des dangers du surendettement. Si Benjamin Daudignac assure à Causette que ces avances « servent surtout pour faire des courses ou payer des factures », les publicités de Bling sur le réseau social très prisé des jeunes, Tik Tok, proposent plutôt de dépanner pour « commander une nouvelle paire [de chaussures, nldr] », « faire du shopping » ou encore « partir en vacances ». Une communication dangereuse aux yeux de Matthieu Robin. « C’est inquiétant de laisser penser que c’est anodin d’emprunter. Même si ce sont des petites sommes, ça reste un crédit qu’il faut être sûr de pouvoir rembourser car un crédit que l’on ne maîtrise pas, c’est une grenade dégoupillée. » 

Un risque accru de surendettement

Contrairement aux banques, Bling n’a pas l’obligation de consulter le fichier national des incidents de remboursement de crédit avant de valider ou non la demande de crédit d’un·e utilisateur·rice. L’application se contente d’accéder aux informations bancaires pour vérifier la solvabilité de ses client·es. « C’est extrêmement dangereux car Bling ne sait pas si ses utilisateurs ont eu dans le passé des problèmes de surendettement et ne peut donc pas leur éviter le crédit de trop », explique Matthieu Robin. Bling et ses concurrentes risquent donc d’attirer des personnes qui ont déjà connu des difficultés à rembourser. « Par exemple, quelqu’un qui n’obtiendra pas de crédit auprès d'une banque classique se tournera vers ce type d'établissement puisqu’ils ne vérifient pas. » Le danger est donc d'accumuler un crédit chez Bling, un autre chez Floa Bank et ainsi de suite jusqu'au surendettement. Face à ces critiques, Benjamin Daudignac déclare tout simplement « vouloir parier sur le succès [financier, ndlr] de ses 600 000 utilisateurs ». D’ailleurs, une question dans la FÀQ de Bling le précise : « Je suis inscrit (sic) à la banque de France : est-ce que je peux faire une demande de prêt ? », la start up répond : « Bien sûr ! »

Un succès pas forcément au rendez-vous puisque, selon UFC-Que choisir, de nombreux·ses utilisateur·rices sont déjà tombé·es dans l’engrenage de l’accoutumance à ces mini-crédits. « Avec la crise sanitaire qui a engendré une grande précarisation, on a affaire à de plus en plus de litiges concernant ces formes de financement, indique Matthieu Robin. Plusieurs dizaines de personnes qui ont contracté des mini-crédits chez plusieurs sociétés comme Bling et qui se retrouvent ensuite prises à la gorge et dans l’impossibilité de pouvoir les rembourser sont déjà venues nous demander de l'aide. »


Des mini-crédits bientôt soumis à la réglementation européenne ?

Ces mini-prêts que proposent des sociétés comme Bling et qui ont longtemps échappé à la réglementation de la Commission européennes devraient bientôt être encadrés par la loi et se retrouver à ce titre, sur le même pied d'égalité que les crédits à la consommation classiques. « La commission a présenté un texte de loi le 30 juin dernier qui sera examiné d’ici un an par le parlement européen, précise Matthieu Robin. On a bon espoir de faire bouger les choses en France d’ici deux ans. »

Partager
Articles liés

Inverted wid­get

Turn on the "Inverted back­ground" option for any wid­get, to get an alter­na­tive sty­ling like this.

Accent wid­get

Turn on the "Accent back­ground" option for any wid­get, to get an alter­na­tive sty­ling like this.