L’Ukraine néo­na­zie : quelle réa­li­té der­rière la propagande ?

Le pré­sident russe jus­ti­fie l’attaque de l’Ukraine par une néces­saire « déna­zi­fi­ca­tion » du pays. Si quelques groupes d’extrême droite existent bel et bien, leur place dans le champ poli­tique est marginale.

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© Besse

Depuis le début de l’invasion de l’Ukraine, le 24 février 2022, Vladimir Poutine ne cesse de répé­ter qu’il entend la « déna­zi­fier ». Une accu­sa­tion qui lais­se­rait à pen­ser que le pays est tenu par des nos­tal­giques du IIIe Reich, et qui sert à jus­ti­fier le sacri­fice de tout un peuple. Mais qu’en est-​il vrai­ment ? Il y a effec­ti­ve­ment des sympathisant·es néonazi·es dans cer­taines milices armées, comme le régi­ment Azov ou le bataillon Pravy Sektor. Ils·elles ont com­bat­tu dans le Donbass dès 2014 et ont même briè­ve­ment rejoint l’armée ukrai­nienne. Aujourd’hui, ils·elles repré­sentent à peine 2 % des soldat·es, car un grand ménage dans les rangs de l’armée a été mené. Des grou­pus­cules mènent régu­liè­re­ment des actions vio­lentes envers cer­taines mino­ri­tés. En 2018, la Gay Pride de Kiev a été per­tur­bée par une cen­taine de militant·es d’extrême droite. Des contre-​manifestations sont éga­le­ment orga­ni­sées le 8 mars, pour s’opposer à la Journée inter­na­tio­nale des droits des femmes. Mais leur pré­sence est très loin d’être massive. 

Sur le plan poli­tique, l’extrême droite a pris de l’ampleur dans les années 2000. « Le par­ti ultra­na­tio­na­liste Svoboda, qui défend à tout prix la nation et la prio­ri­té natio­nale, a gagné en influence en 2012, com­mente Adrien Nonjon, cher­cheur à l’Inalco et spé­cia­liste de l’extrême droite en Ukraine. Il a été ins­tru­men­ta­li­sé par l’ancien pré­sident pro­russe Viktor Ianoukovitch et a eu de bons résul­tats aux légis­la­tives, jusqu’à décro­cher des places au Parlement, la Rada. » En 2014, au moment de la révo­lu­tion, plu­sieurs groupes d’extrême droite se sont retrou­vés sur la place de l’Indépendance. Le chef de Svoboda a éga­le­ment été inté­gré au gou­ver­ne­ment de tran­si­tion. « Comme l’Ukraine est une jeune démo­cra­tie, le gou­ver­ne­ment de tran­si­tion s’est cal­qué sur la pré­sence des par­tis au Parlement, explique Adrien Nonjon. Mais cette courte période au pou­voir a don­né du grain à moudre à la pro­pa­gande russe. » Svoboda est aujourd’hui très mino­ri­taire sur l’échiquier poli­tique. « Aux der­nières légis­la­tives de 2019, il a recueilli 1 % des voix, rap­pelle Adrien Nonjon. Et il n’y a pas le moindre lien entre le pré­sident Zelensky et l’extrême droite. » 

Nier un État souverain

Alors pour­quoi Poutine parle-​t-​il sans cesse de « déna­zi­fier » le pays ? Sa rhé­to­rique anti­na­zis prend racine dans l’histoire de la Seconde Guerre mon­diale, époque où la frange des natio­na­listes ukrainien·nes a un temps col­la­bo­ré avec l’Allemagne nazie, notam­ment pour prendre ses dis­tances avec l’Union sovié­tique. Dans la logique de Vladimir Poutine, les Soviétiques sont celles et ceux qui ont vain­cu le fas­cisme et le nazisme. S’opposer à elles et eux, c’est donc être fas­ciste, voire nazi. Cette for­mule outran­cière témoigne éga­le­ment de la vision géo­po­li­tique du pré­sident russe. « Pour Poutine, il n’existe pas d’Ukraine, ana­lyse Adrien Nonjon. En dia­bo­li­sant le mou­ve­ment natio­na­liste ukrai­nien et son ampleur, il s’agit de nier sa réa­li­té d’État sou­ve­rain et indépendant. »

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