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© Capture écran TV5Monde

En Afrique, la parole se libère contre les vio­lences faites aux femmes

Alors qu’une avalanche de dénonciations de violences sexuelles secoue actuellement le Cameroun, plusieurs centaines de personnes se sont rassemblées, samedi 27 janvier, à Nairobi, au Kenya, pour dénoncer les violences faites aux femmes.

Une vague #Metoo déferle actuellement sur le Cameroun. Depuis mi-janvier, plus de soixante-dix témoignages anonymes comportant des accusations d’agression sexuelle par l’homme d’affaires Hervé Bopda ont été relayés sur les réseaux sociaux par un blogueur camerounais. Un déferlement de dénonciations tel que l’ordre des avocat·es a réclamé la semaine dernière l’ouverture d’une enquête par le parquet.

Dans un courrier transmis jeudi 25 janvier au parquet, la commission des droits de l’homme du barreau informe avoir pris connaissance “à travers les réseaux sociaux”, grâce à des témoignages publiés “dans l’anonymat”, de faits “d’outrage à la pudeur, harcèlement sexuel, viols, menaces, séquestrations et violences sur plusieurs victimes”. Le barreau appelle à “l’ouverture d’une enquête” et exhorte le parquet à traduire l’agresseur présumé “devant les juridictions compétentes afin que justice soit rendue conformément à la loi”, poursuit la lettre.

"Briser le silence"

La ministre de la Promotion de la femme et de la famille “se réjouit de la saisine des autorités judiciaires compétentes en vue d’établir la matérialité des faits”, dans un communiqué publié vendredi 26 janvier. Marie-Thérèse Abena Ondoa “encourage” les victimes à “briser le silence” et “à fournir aux autorités judiciaires les éléments nécessaires à la conduite des procédures destinées à établir la matérialité des faits”.

La Commission des droits de l’homme du Cameroun, saisie d’office le 19 janvier, regrette de ne pas pouvoir “traiter cette affaire comme il se doit”, à savoir “entendre les témoins” et “confronter les parties” en raison de l’anonymat des dénonciations, dans un communiqué publié samedi.

"Stand Up for Cameroon"

Un hashtag (#StopBopda), né de la vague d’indignation des internautes, a depuis été repris plus de 100 000 fois sur X (Ex-Twitter), bénéficiant notamment de la mobilisation d’artistes, de sportif·tives et d’influenceur·euses très suivi·es à travers le continent africain. Dans le quartier de Bali, à Douala (capitale économique du pays), une vingtaine d’activistes se sont ainsi rassemblé·es vendredi vêtu·es de noir, à l’appel de Stand Up for Cameroon, un mouvement qui rassemble des partis politiques et des organisations de la société civile.

“Je suis écœurée, d’autant plus que la personne indiquée comme kidnappeur et violeur est toujours libre dans les rues de Douala”, s’est indignée Chantal Egbe, une militante qui réclame “au système judiciaire” que l’accusé soit “mis hors d’état de nuire”. Une lettre ouverte signée par vingt-deux femmes issues de la société civile camerounaise a également été déposée jeudi auprès des autorités, dénonçant “l’inaction ou la lenteur des services gouvernementaux compétents” dans les cas de violences faites aux femmes et invitant les services concernés à se constituer partie civile, notamment dans le cadre de cette affaire.

Au Kenya, une grande marche contre les féminicides

Au même moment, au Kenya, où on décompte au moins seize féminicides depuis le début de l’année 2024, une grande marche a eu lieu samedi 27 janvier pour dénoncer les violences faites aux femmes. Plusieurs centaines de personnes sont ainsi descendues dans les rues de la capitale, Nairobi, en brandissant des pancartes sur lesquelles on pouvait lire : “Être une femme ne devrait pas être une condamnation à mort” et “Le patriarcat tue”. D’autres portaient les noms et les photos des victimes. La foule a scandé “arrêtez de nous tuer” en marchant vers le parlement.

Au Kenya, les récents féminicides ont mis en lumière la violence à l’égard des femmes, “en hausse” selon le gouvernement. Dans l’une des affaires qui a marqué le pays, une femme de 26 ans a été tuée le 4 janvier dans un appartement en courte location par un membre présumé d’un gang d’extorqueurs qui ciblent les femmes par l’intermédiaire de sites de rencontres, rapporte la police.

Accélérer les enquêtes et les poursuites

Environ deux semaines plus tard, une jeune femme de 20 ans a été étranglée et démembrée. Deux hommes ont été placés en garde à vue dans cette affaire, mais n'ont pas encore été inculpés. "Le féminicide est la manifestation la plus brutale de la violence fondée sur le genre", a déclaré la section kenyane d'Amnesty International dans un communiqué publié à l'occasion de la marche. "Il est inacceptable et ne doit jamais être normalisé", a ajouté l'ONG, en appelant les autorités à accélérer les enquêtes et les poursuites à l'encontre des auteurs de ces actes.

Lors de la manifestation, Terry Wangare, une responsable de la communication, a déclaré qu’il était “temps pour le Kenya de se dresser et prendre une décision”. “Tout le monde s’en fiche”, a-t-elle déploré. Faith Claire Wanjiru, une étudiante de 23 ans qui participait à sa première manifestation, s’est dite “en colère”. “Personne ne devrait prendre la vie de quelqu’un”, a-t-elle dénoncé.

Au moins 152 féminicides en 2023

Selon les organisateur·rices, des marches identiques ont eu lieu dans dix régions du pays, notamment dans les villes de Kisumu et de Mombasa. Selon un rapport gouvernemental publié l’année dernière, plus de 30 % des femmes au Kenya sont victimes de violences physiques au cours de leur vie et 13 % subissent une forme ou une autre de violence sexuelle. Il ne s’agirait cependant que d’une petite partie de la réalité.

Il y a eu au moins 152 féminicides au Kenya en 2023, selon l'organisation à but non lucratif Femicide Count, qui recense uniquement les féminicides signalés. En 2022, quelque 725 femmes et filles ont été assassinées dans ce pays d'Afrique de l'Est, selon un rapport de l'Office des Nations unies contre la drogue et le crime (ONUDC).

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