Bobigny Passerelle Marie Claire
©Clicsouris

Marie-​Claire Chevalier, la femme défen­due par Gisèle Halimi lors du pro­cès de Bobigny est décédée

L’issue de son procès, à l’automne 1972, avait contribué à rendre possible la loi Veil autorisant l’avortement en 1975.

Elle était devenue l’une des figures de la lutte pour le droit des femmes à l’avortement. Marie-Claire Chevalier, 66 ans, est décédée, dimanche 23 janvier, des suites d’une longue maladie, a annoncé sa famille ce mardi à l’Agence France-Presse (AFP). L’ancienne aide-soignante qui vivait dans le Loir-et-Cher avait incarné le retentissant « procès de Bobigny » à l’aube des années 1970. 

Derrière les murs de ce tribunal de Seine-Saint Denis, en 1972, Marie-Claire Chevalier a été jugée à l’âge de 17 ans pour avoir avorté après un viol commis par un garçon de son lycée – l’IVG étant à l’époque illégal en France. C’est son violeur, un voleur de voitures, qui l’a dénoncée en échange de sa libération. La mère de la jeune fille, également inculpée avec trois autres femmes pour l’avoir aidée, a alors l’idée de faire appel à l’avocate féministe Gisèle Halimi après avoir lu Djamila Boupacha, ouvrage sur une militante algérienne violée et torturée en 1960 par des soldats français. 

Plaidoirie historique 

Le procès, qui se déroule à huis clos, devient rapidement un procès politique et médiatique en faveur de la légalisation de l’avortement. De nombreuses militantes du Mouvement de libération des femmes (MLF) viennent soutenir Marie-Claire Chevalier à l’extérieur du tribunal où Gisèle Halimi – qui nous a quitté·es le 28 juillet 2020 – livre une plaidoirie devenue historique. « Elle comparaît devant vous, Messieurs, quand elle n’a pas obéi à votre loi, quand elle avorte. Comparaître devant vous. N’est-ce pas déjà le signe le plus certain de notre oppression ? Pardonnez-moi, Messieurs, mais j’ai décidé de tout dire ce soir. Regardez-vous et regardez-nous. Quatre femmes comparaissent devant quatre hommes… Et pour parler de quoi ? De sondes, d’utérus, de ventres, de grossesses et d’avortements ! […] A-t-on encore, aujourd’hui, le droit, en France, dans un pays que l’on dit “civilisé”, de condamner des femmes pour avoir disposé d’elles-mêmes ou pour avoir aidé l’une d’entre elles à disposer d’elle-même ? » 

Lire aussi : Gisèle Halimi : tout le monde lui dit « merci »

Le verdict tombe. Marie-Claire Chevalier est relaxée, sa mère condamnée à 500 francs d’amende avec sursis et celle qui a pratiqué l’avortement écope d’un an de prison avec sursis. La victoire éclatante remportée par Gisèle Halimi marque un tournant historique pour les droits des femmes en France : elle ouvre la voie à la loi Veil qui adopte la dépénalisation de l’avortement trois ans plus tard. Le procès de Bobigny a toutefois été un véritable combat pour Marie-Claire Chevalier. « Elle l’a mené courageusement. Ce procès est un symbole et elle a accepté ce que Gisèle Halimi voulait en faire, c’est-à-dire un procès politique pour le droit à l’IVG. À l’époque, ce n’était pas une évidence », souligne Ernestine Ronai, à la tête de l’Observatoire départemental des violences envers les femmes de Seine-Saint-Denis, à l’AFP. L’après-procès est d’ailleurs tout aussi dur pour la jeune femme. « Il y a eu un trou dans ma tête. Je ne savais plus qui j’étais. J’étais méchante, je haïssais et j’insultais tout le monde », déclarait Marie-Claire Chevalier, en 2019, dans Libération, qui lui consacrait alors un portrait. 

Selon son compagnon, Marie-Claire Chevalier avait conservé de bons rapports avec son ancienne avocate à qui elle rendait régulièrement visite à Paris. Marie-Claire Chevalier avait toutefois souhaité rester dans l’ombre, selon sa famille. Elle avait d’ailleurs changé de prénom à l’issue du procès pour retrouver son anonymat. Aujourd’hui, seul un prénom, « Marie-Claire », figure sur la plaque de la passerelle métallique inaugurée en 2019 en face du tribunal de Bobigny. 

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