L’hybristophilie, également connue sous le nom de syndrome de Bonnie and Clyde, désigne une pathologie bien précise, qui a de quoi surprendre et déranger. Voyage au pays de l’amour vénéneux.
On vous pardonnera si vous ne savez pas ce que le mot veut dire. « L’hybristophilie, étymologiquement, c’est “aimer le blâmable”, aimer qui commet un outrage contre autrui, explique le psychiatre Clément Guillet1. C’est la passion de quelqu’un, homme ou femme, pour une personne qui a commis un crime – pas en dépit du crime, mais précisément pour le crime. » On imagine facilement les profils types de cette paraphilie (attirance ou pratique sexuelle en dehors de la « norme sociale » et extrême) : la nymphette barjo, parfaitement incarnée par les jeunes groupies du tueur en série américain Ted Bundy qui venaient à son procès, en 1979, habillées comme ses victimes. Ou la femme que l’on suppose ravagée par la vie, vulnérable, manipulable et capable de tout pour son tueur adoré, telle Monique Olivier ou un cas moins extrême, Élisabeth, travailleuse sociale de 50 ans ayant eu une liaison avec Nordahl Lelandais pendant l’instruction sur le meurtre de Maëlys – qui a raconté au Dauphiné Libéré en janvier 2022 avoir été abusée émotionnellement, matériellement et sexuellement trois ans durant.
Syndrome du sauveur ou de l’infirmière
En réalité, les profils sont variés. « Plutôt des femmes, jeunes, mais pas que », prévient Clément Guillet. À moins qu’ils et elles se baladent avec une pancarte sur la tête, les hybristophiles ne sont absolument pas identifiables. C’est sur Internet qu’il est facile de trouver des groupes d’intérêt sur le sujet, plutôt restreints et confidentiels, où tout le monde connaît par cœur le tableau de chasse des tueur·euses célèbres dans les moindres détails. Si les jeunes femmes y sont en effet largement représentées, les typologies sont parfois surprenantes. « Nous sommes tous différents, explique Kit, un Écossais à la trentaine bien tassée et père de famille, qui modère l’un de ces groupes. Mais globalement, nous nous comprenons très bien. »
Le syndrome du sauveur – ou de l’infirmière, selon la classification d’Isabelle Horlans dans son ouvrage L’Amour (fou) pour un[…]
- Clément Guillet est l’auteur de Sociologie du fan, Éditions universitaires européennes, 2011.[↩]