man and woman holding hand of toddler walking on grass field
(©Kenny Eliason)

En Italie, des enfants de couples les­biens voient le nom d'une de leurs mères effa­cé des actes de naissance

À Padoue, dans le Nord de l'Italie, les couples lesbiens ayant un·e enfant reçoivent depuis la fin du mois de juin un courrier de la procureure leur annonçant la disparition du nom de la mère non biologique des actes de naissance. Une situation imputable au gouvernement conservateur et d’extrême droite de Giorgia Meloni et qui touche d'autres villes du pays.

« Dieu, patrie, famille. » La devise profondément conservatrice de Giorgia Meloni, avec la vision traditionnelle de la famille qu'elle défend - un père, une mère - commence à s'étendre sur l'Italie. À Padoue, en Vénétie dans le Nord de l'Italie, les couples lesbiens ayant un·e enfant reçoivent depuis la fin du mois de juin un courrier de la procureure Valeria Sanzari leur annonçant une nouvelle dévastatrice : les actes de naissance indiquant les noms des deux mères doivent être changés, afin d'effacer le nom de celle qui n'est pas leur mère biologique. En tout, 33 enfants sont concerné·es, selon le quotidien local Corriere del Veneto et l'agence de presse Reuters, qui ont partagé l'information. Ces différentes affaires devraient être jugées en novembre.

En Italie, si les unions civiles de couples de même sexe sont légales depuis 2016, ces derniers ne peuvent pas adopter, ou avoir recours à une PMA ou une GPA au sein de leur pays. En revanche, l'absence d'une législation nationale claire permet à certains couples ayant réalisé ces procédures à l'étranger de les voir transcrire dans les actes de naissances italiens. À Padoue, le maire Sergio Giordani a ainsi accepté dès son élection en 2017 d'inscrire, pour les couples de femmes, les noms des deux mères sur chaque document officiel.

« C'est un acte de responsabilité, je n'accepte pas l'idée qu'il y ait des enfants de série A et des enfants de série B qui soient immédiatement discriminés dans leurs droits fondamentaux », a récemment expliqué l'élu au quotidien italien La Repubblica. Avant de poursuivre : « Je l'ai fait naturellement et en pleine conscience, après avoir bien étudié la question. Il y a des moments où un maire est seul avec sa conscience et la Constitution, et doit décider dans l'intérêt premier de ceux qui sont en face de lui. »

Milan, Bergame : d'autres villes concernées

C'est une circulaire, envoyée au début de l'année 2023 par le gouvernement de Giorgia Meloni, qui a mis le feu aux poudres : elle demandait à tous les maires de ne plus transcrire automatiquement les actes de naissance des enfants nés de GPA à l'étranger. À Milan, après avoir reçu un courrier du préfet, la municipalité avait alors annoncé en mars qu'elle cesserait d'inscrire les parents non biologiques dans les actes de naissance, à la fois pour les couples de pères et les couples de mères. Il s'agissait pourtant d'une des rares villes à reconnaître automatiquement cette filiation.

À Bergame, ensuite, le tribunal a officialisé en avril sa décision de retirer le nom de la mère non biologique d'une petite fille de neuf mois. L'acte de naissance, avec les noms des deux mères, avait pourtant été enregistré sans encombre par le bureau d'état civil de la ville en août 2022. « Je pense que le gouvernement a peur qu'une famille qui a l'air différente, comme la nôtre, puisse être aussi heureuse, voire plus heureuse, que les familles traditionnelles », a raconté au Daily Mail Michela, l'Italienne de Bergame dont le nom n'apparaît plus sur l'acte de naissance de sa fille Giulia. « Sur le papier, ils disent que ma fille n'a qu'une mère, mais on sait qu'elle en a deux. Nous allons tout faire pour prouver que nous sommes une bonne famille », a-t-elle ajouté.

Concrètement, ces procédures affectent dans leur quotidien ces familles : la mère qui n'est plus reconnue comme telle aura peut-être besoin d'une procuration pour aller chercher son enfant à l'école, ne pourra pas signer un formulaire de vaccination, ou partir en voyage seule avec le ou la petit·e. Si un accident arrive à la mère biologique, ces enfants pourraient devenir orphelin·es et pupilles de la nation. Il leur reste une solution : adopter l'enfant. Mais il s'agit en Italie d'un processus spécial, décrit comme long et onéreux par les différents médias. Et les choses pourraient encore empirer pour les familles LGBT. Depuis quelques semaines, le Parlement italien se penche sur une loi qui pourrait punir de deux ans de prison les couples ayant recours à une GPA à l'étranger.

Un rassemblement de soutien

Lundi soir, le réseau EuroCentralAsian Lesbian* Community (EL*C), qui regroupe des organisations féministes lesbiennes intersectionnelles, a publié une lettre ouverte en plusieurs langues à Giorgia Meloni pour faire part de son inquiétude et de sa solidarité avec « la communauté lesbienne italienne ».

« Vous avez fait de la maternité la pierre angulaire de votre campagne politique. Puis, vous avez placé la protection de la famille au centre de votre action gouvernementale. Nous n’avons jamais été dupes, nous savions que vous utilisiez la maternité pour justifier la haine et la discrimination. Nous savions que vous utilisiez une notion d’exclusion de la maternité pour nous blesser, nous, les lesbiennes et les autres parents qui ne correspondent pas à votre définition étroite. Il est maintenant clair que nous avions raison », écrit l'EL*C, rappelant que les lesbiennes « font partie intégrante de la société italienne » et que « le gouvernement italien bénéficie de nos impôts tout en piétinant nos droits parentaux ».

« Nous savons que ce n’est qu’une étape d’une spirale sans fin contre les droits des lesbiennes et des femmes en général. Nous avons déjà vu cela se produire en Italie avec l’extrême droite au pouvoir. Les lesbiennes italiennes ne reculent pas dans ce combat et ont le soutien total des lesbiennes de toute l’Europe », conclut l'EL*C, appelant à se regrouper devant les ambassades et consulats italiens en Europe. À Paris, le rendez-vous est fixé à l'initiative de l'élue Alice Coffin ce vendredi, à 18h, devant l'ambassade d'Italie.

Vous êtes arrivé.e à la fin de la page, c’est que Causette vous passionne !

Aidez nous à accompagner les combats qui vous animent, en faisant un don pour que nous continuions une presse libre et indépendante.

Faites un don
Partager

Cet article vous a plu ? Et si vous vous abonniez ?

Chaque jour, nous explorons l’actualité pour vous apporter des expertises et des clés d’analyse. Notre mission est de vous proposer une information de qualité, engagée sur les sujets qui vous tiennent à cœur (féminismes, droits des femmes, justice sociale, écologie...), dans des formats multiples : reportages inédits, enquêtes exclusives, témoignages percutants, débats d’idées… 
Pour profiter de l’intégralité de nos contenus et faire vivre la presse engagée, abonnez-vous dès maintenant !  

 

Une autre manière de nous soutenir…. le don !

Afin de continuer à vous offrir un journalisme indépendant et de qualité, votre soutien financier nous permet de continuer à enquêter, à démêler et à interroger.
C’est aussi une grande aide pour le développement de notre transition digitale.
Chaque contribution, qu'elle soit grande ou petite, est précieuse. Vous pouvez soutenir Causette.fr en donnant à partir de 1 € .

Articles liés