Témoignages : quand l'amour prend du galon

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© Laura Lafon, Tom Lalait et Lucas Castel pour Causette







Chaque mois, Causette donne la parole à un duo sentimental pour comprendre comment les visions divergentes de chacun·e n’empêchent pas (toujours) le ménage de tourner. Dans cet épisode, Anne* n’aurait jamais pensé être en couple avec un militaire. Jérôme* lui a prouvé qu’il ne fallait jamais dire jamais.


* Les prénoms ont été modifiés









Anne

50 ans

« Ce soir de janvier 2019, je me suis dit : “Jamais de la vie.” Quand on s’est demandé ce qu’on faisait comme métier, Jérôme m’a répondu qu’il était dans l’armée. Ça a été un choc. J’ai horreur de l’autorité, de la violence, et il y a des professions qui sont inenvisageables pour moi, notamment militaire et policier. Avant de se rencontrer en vrai, on a tchaté pendant des semaines, car j’étais persuadée que ça ne servirait à rien qu’on se voie. Quand j’étais ado, j’avais dans ma chambre ce fameux poster typique des années 1970 où il est écrit “Why ?”, avec un soldat en train de tomber. À cette époque, avec mes amis, on faisait la nique aux flics en roulant à fond en scooter devant eux sans porter de casque. Depuis, je me suis assagie, mais je suis toujours un peu anarchiste. Côté hommes, je suis attirée par un style bien précis : les musiciens aux cheveux longs, avec de la barbe. 

Alors, on ne peut pas vraiment dire que cet homme de droite, toujours rasé de près, était une évidence. Je me figurais quelqu’un de très carré, qui obéit aux ordres, mais je me suis vite aperçue qu’il avait beaucoup ­d’humour, qu’il était gentil, attentionné, ouvert. Ce qui m’a donné envie de lui donner sa chance (il a été très persévérant), c’est que je l’ai trouvé hyper cultivé et qu’il a beaucoup sillonné le monde grâce à l’armée. Travaillant moi-même dans le tourisme, nos récits de voyage nous ont rapprochés. J’ai été impressionnée de le savoir capable de commander des troupes dans des pays en guerre, où il se bat contre le terrorisme. Il m’a longuement expliqué ce qu’il faisait quand il part en mission et j’ai déconstruit certaines de mes idées reçues. J’ai compris qu’il s’était engagé pour apporter la paix, aider les gens, et j’ai cessé de le voir comme un guerrier. 

Un soir, nous sommes allés à un concert de Catherine Ringer et il a adoré. C’est bête, mais je n’imaginais pas un militaire danser sur les Rita Mitsouko, ça m’a émue, charmée. J’adore le fait qu’il arrive à me prouver que j’ai tort. Jusqu’à maintenant, personne n’avait réussi à le faire avec des argumentations aussi solides. Je suis heureuse de l’avoir rencontré à 50 ans, car s’il était arrivé dans ma vie quand j’en avais 35, je n’aurais pas accepté un instant de remettre mes principes en question. Je serais passée à côté de notre histoire. »

Jérôme

45 ans

« C’est en naviguant sur un site de rencontres où je traînais mon ennui que j’ai découvert Anne. Dans cet océan de médiocrité, elle m’est apparue lumineuse, intelligente, pétillante, et j’avais noté le tee-shirt à l’effigie du groupe Kiss qu’elle arborait fièrement sur sa photo, comme pour revendiquer d’emblée son côté rock et rebelle. Ça m’avait fait sourire. Cet aspect de sa personnalité m’a attiré, sans doute car je ne le fus jamais, à quelque âge que ce soit.

Lors de nos premiers échanges, j’ai évoqué mon métier : militaire. Aucune raison de le cacher, d’autant plus qu’à l’époque je ne pensais pas qu’une relation pourrait naître entre nous. Anne avait beaucoup d’a priori sur les militaires, sans doute parce qu’elle n’en avait jamais fréquenté, mais je pense que nous avons fini par nous mettre ensemble parce que, pour moi, c’est un métier comme un autre et que je ne corresponds pas aux “standards” du militaire borné, rigide, autoritaire, voire facho, qu’elle pouvait concevoir. 

Aussi, elle ne veut pas du tout me voir en uniforme. C’est une coquetterie qui m’amuse et ne me dérange pas. Je n’attribue aucune symbolique ni valeur particulière à cet accoutrement qui est juste une facilité et une coutume professionnelle. Finalement, malgré les apparences, Anne et moi ne sommes pas fondamentalement différents. Elle se revendique de gauche, néanmoins elle adhère pleinement à des valeurs telles que le mérite, le travail, la liberté d’entreprendre, la responsabilité individuelle, qui ne sont pas des notions de gauche, selon moi. Même économiquement, elle est complètement hors du champ de réflexion et de croyance de la gauche et de l’extrême gauche. Je suis certainement plus conservateur qu’elle, persuadé que nous devons absolument préserver et protéger notre mode de vie occidental. Nous sommes différents sur ce point : Anne a foi en l’humanité, ce n’est pas mon cas. Mais ses convictions la rendent encore plus belle à mes yeux et nos différences sont intéressantes, car elles alimentent nos conversations, nos débats. 

L’amour ne nécessite pas obligatoirement la conformité et la similitude, il ne s’explique pas et peut unir deux personnes complètement opposées, c’est ce qui fait sa magie. »

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