Témoignages : double vie

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© Laura Lafon pour Causette





Chaque mois, Causette donne la parole à un duo sentimental pour comprendre comment les visions divergentes de chacun·e n’empêchent pas (toujours) le ménage de tourner. Après s’être rencontrés grâce à une erreur de destinataire sur Instagram, Lucie* et Stéphane* se retrouvent à travers le monde pendant un an. Une histoire à rebondissements digne d’un film.









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Lucie

28 ans

« Mars 2018, je vis à Amsterdam, je viens de me ­séparer quand je reçois ce message privé sur Instagram : “Coucou, ça va ? Je t’ai mise sur la liste pour le concert ce soir, à tout à l’heure. Bisous.” Ça vient d’un compte que je suis sans connaître la personne. Je réponds “Ta proposition a l’air sympa, mais je pense que tu t’es trompé de destinataire.” Effectivement, c’était pour une autre fille. Le concert en question a lieu à Berlin, mais aussi à Amsterdam, quelques jours après.
On échange des messages sans démarche de ­séduction et je lui propose une visite guidée ­d’Amsterdam. Je vais le chercher à la gare. Premier baiser en fin d’après-midi. Après le concert, on s’embrasse encore et il part le soir même. On continue de s’écrire. Quand il revient à Amsterdam, trois semaines plus tard, on s’embrasse comme si on s’était manqués. Il part en tournée au Japon, on s’appelle en FaceTime tous les jours. Un week-end, je le rejoins sur une répétition à Reims, c’est la troisième fois qu’on se voit et la première qu’on se dit “Je t’aime”.
Pendant un an, je le rejoins partout où je peux et ça me convient bien. Il ne prend pas trop de place dans ma vie. Je me pose peu de ­questions, pourtant, j’ai des signaux d’alerte : il ne ­m’invite jamais chez lui à Paris, ne me présente pas à ses amis. Mais la relation est si belle que je laisse couler.
Été 2019 arrive un SMS de rupture sorti de nulle part : “Je ne peux pas être l’homme que tu veux. Je t’aimerai toute ma vie. Tu vas me manquer. Adieu.” Je lui écris, je ne comprends pas sa décision. Silence radio. Au bout de deux mois, le contact reprend. Il veut qu’on se voie pour m’expliquer, que je le retrouve à Reims pour un concert, mais je ne veux plus me déplacer pour lui. Il m’appelle en FaceTime, tourne autour du pot. Je tente : “T’as une meuf ? T’as un enfant, c’est ça ?” Il se décompose. Il a un enfant de 18 mois, il est avec la mère depuis dix ans.
Je lui pardonne instantanément son mensonge : c’est l’homme de ma vie, on va avancer, trouver une solution. Je fais le choix de tout oublier. En trois mois, sa femme quitte l’appart, il me présente son fils, on part en vacances tous les trois, j’emménage chez lui, je rencontre sa famille. Encore aujourd’hui, j’ai parfois l’impression d’être dans un film. » 

Stéphane

34 ans

« Quand je rencontre Lucie, je travaille sur des tournées internationales de grands artistes depuis sept ans, mon fils a 5 mois et je vis avec sa mère, Céline, à Paris. Je ne suis jamais chez moi. Quand je contacte Lucie par erreur sur Instagram, je trouve ça drôle de se parler alors qu’on ne se connaît pas. Ça ne m’était jamais arrivé. Mon agenda fait que j’arrive à Amsterdam à 6 heures du matin et que j’en repars le soir. C’est un trou de vie dans lequel il est juste agréable de passer la journée avec quelqu’un sans calculer.
La tournée continue, on s’écrit tout le temps. Très vite, des sentiments naissent et je comprends que ça va devenir plus compliqué que prévu. Je sais très bien que si j’y retourne, un cap sera franchi. Quand on se revoit, j’ai fait vingt-cinq villes depuis le premier bisou : Los Angeles, New York, Tokyo… Je fais l’aller-­retour sur la journée à Amsterdam. J’entre dans une double vie. Comme je ne suis jamais à Paris, c’est assez pratique. Lucie et Céline ne sont pas dans la même ville : aucun risque qu’elles se croisent. Mais ça reste un ascenseur émotionnel ­permanent. Arrive une pause de deux mois dans la tournée, pendant lesquels je reste à Paris. Cette double vie devient impossible, et Lucie va forcément vouloir venir me voir. Je la quitte et ça me rend dingue. En même temps, comme je lui mens depuis un an, je ne pourrai jamais lui dire que j’ai un enfant.
Rester avec Céline, c’est un choix réfléchi – on a un enfant, un appart –, mais pas un choix de cœur. Au bout de deux mois de déprime, je reçois un SMS de Lucie qui veut récupérer ses affaires, mais je sais que c’est un prétexte. Je décide de la rappeler et de tout lui dire. La conversation dure sept heures. Je lâche la bombe en saisissant une perche qu’elle tend. On se retrouve le soir même et je quitte Céline le lendemain.
Lucie a été un déclencheur. Travailler sur des tournées, c’est embarquer dans une fausse vie. J’ai ­rencontré Lucie dans cette fausse vie d’hôtels et d’avions. Il a fallu que je la ramène dans la vraie vie. Aujourd’hui, je n’ai plus envie de faire trois fois le tour du monde dans l’année. Me balader avec Lucie, mon fils et notre chien, ça me fait bien plus kiffer que les allers-retours à Los Angeles. » 

* Les prénoms ont été modifiés.

Si vous aussi, vous souhaitez nous raconter votre histoire de couple, écrivez à [email protected]

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