Sororasie lance "Asidentités", un pro­jet d’exposition sur la repré­sen­ta­tion des femmes et mino­ri­tés de genre asiatiques

Avec son projet d’exposition, « Asidentités », le collectif asio-féministe Sororasie aborde la question de la représentation des femmes et des minorités de genre asiatiques dans l’espace public. Rencontre avec Amanda, la fondatrice du collectif qui anime également le podcast Asiattitude.

Pour Amanda, les élections municipales auront été le déclic. Le 29 mars 2020, à l’heure où la pandémie de coronavirus déferle sur la France, la jeune femme d’origine sino-cambodgienne et thaïlandaise est de retour de son bureau de vote d’Enghien-les-Bains, petite commune du Val d’Oise. Son devoir de citoyenne effectué, elle attend son mari, assesseur pour l’occasion. Une fois réuni, le couple discute et l’époux rapporte la phrase de l’un de ses collègues, attrapée au vol, lors du passage de sa compagne au bureau de vote : « C’est elle qui a contaminé Enghien-les-bains ! ».

Ce n’est pas la première fois que la jeune femme de 30 ans qui travaille dans la communication est victime du racisme anti-asiatique. Loin de là. Mais le contexte sanitaire (le virus du Covid-19 a démarré dans la province chinoise de Wuhan) a amplifié la violence de ces agressions quasi-quotidiennes et l’idée qui germe dans l’esprit d’Amanda se concrétise. Le 17 avril 2020, Sororasie publie son premier post sur Instagram. Plus qu’un simple réseau social d’asio-descendant·es, Sororasie est l’une des premières plateformes françaises réunissant des milliers de femmes et de minorités de genre asiatiques. « Quand j’ai tapé sur Google, “réseau femmes asiatiques” je suis tombée sur des sites de rencontre, des articles sur des réseaux de prostitution ou des catégories de sites pornographiques, indique Amanda à Causette. Il n’y avait rien pour nous, c’était le vide. Ça a été l’objet du premier post. »

L’engouement est à la hauteur du vide qui existait. En février 2021, 16 rédactrices de 18 à 38 ans, toutes issues de multiples origines asiatiques, viennent rejoindre le collectif. « On a toutes un job à côté de Sororasie, souligne Amanda. On écrit sur notre temps libre. » Les sujets sont divers. On y parle aussi bien d’appropriation culturelle que d’asioféminisme ou de la découverte des traditions du nouvel an lunaire. Le tout décliné sur un compte Instagram et un webzine où les femmes et personnes issues des minorités de genre asiatiques « peuvent se connecter, s’entraider, se sentir comprises, écoutées et représentées. » Pour la fondatrice de Sororasie, c’est là l’aboutissement d’une réflexion de plusieurs mois. « Je me suis dit qu’il y avait vraiment un problème de représentation des femmes asiatiques, se souvient-elle. La seule image qu’on a de la beauté, c’est celle des femmes occidentales alors que c’est nécessaire pour notre construction personnelle de voir qu’il y a dans l’espace public d’autres femmes qui nous ressemblent. »

La question de la représentation

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©sonadie_san

Alors depuis août 2020, Sororasie - qui compte désormais plus de 10 000 abonné·es sur Instagram - porte le projet artistique Asidentité. « À la base, je cherchais des photos de femmes asiatiques pour un post, se rappelle Amanda. N’en trouvant aucune, j’ai décidé de les créer moi-même. » Elle se heurte cependant à des contraintes techniques : « je voulais un casting de femmes asiatiques, mais aussi uniquement des photographes et vidéastes femmes asiatiques, ce qui a relevé du challenge tant c’est un milieu très peu mixte et racisé. Mais je tenais beaucoup à la convergence des talents féminins pour créer une œuvre originale qui s’émancipe du "male gaze”. » Grâce au bouche-à-oreille, Amanda finit par dénicher 9 photographes qui acceptent de participer au projet. Au final, 150 modèles issus de toute la communauté asiatique répondent à l’appel lancé sur les réseaux par le collectif. « C’était une belle surprise car au départ on pensait qu’une trentaine seulement allait répondre et on a réussi à réunir des femmes, des personnes non-binaires, queer asiatiques de 18 à 50 ans avec une diversité de corps et de morphologies », se réjouit Amanda en précisant « qu’il n’y a eu aucune sélection ».

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©camlinhlomographe

Pour respecter les gestes barrières, le shooting a eu lieu sur deux jours, les 27 septembre et 3 octobre 2020 dans un lieu parisien privé près de la gare St Lazare. « C’était un très beau moment pour montrer toute notre singularité mais aussi notre pluralité, retient Amanda. Je me souviens que l’une des modèles m’a dit “Je ne me suis jamais trouvée belle mais peut-être que grâce à ce shooting ça va changer”, c’était incroyable. » De cet instant, reste des milliers de photographies figées dans le temps et l’envie de monter une exposition quasi politique pour décentrer le regard occidental qui pèse lourdement sur les communautés asiatiques. « Les femmes et minorités de genre de notre communauté subissent diverses oppressions liées aux stéréotypes, à la fétichisation et à l’hypersexualisation, souligne Amanda. Cette question de la représentation a été centrale, tout au long du processus de création, de la conception à la réalisation. Le projet Asidentité permet de nous réapproprier nos histoires, nos expériences et nos corps afin de multiplier les représentations pour les générations futures. »

Une chose est sûre, Sororasie n’en est qu’à ses débuts : le collectif prévoit effectivement de lancer prochainement un espace de discussion sur leur site web. En attendant toutes ces nouveautés, la campagne de financement afin de concrétiser l’exposition Asidentité prendra fin le 18 avril 2021. Pour un lancement dès le mois de septembre ?

Voir le teaser du shooting Asidentités :

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