Les mau­so­lées numé­riques de la Mère Lachaise

La journaliste Camille Paix publie depuis un an sur le compte Instagram @MereLachaise des biographies de femmes enterrées dans le cimetière parisien du Père-Lachaise et oubliées de l’Histoire. Ses dessins redonnent un visage à ces illustres inconnues.

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© Camille Paix

Ne cherchez pas Édith Piaf chez la @merelachaise. Depuis un an, sur ce compte Instagram, Camille Paix illustre à la main et légende la vie de personnalités féminines tout aussi importantes mais quasi inconnues de l’Histoire, enterrées dans le célèbre cimetière du Père-Lachaise. 

Installée à Paris depuis quatre ans, il y a deux ans, la jeune journaliste déménage pas loin du Père-Lachaise, « l’espace vert le plus proche de chez elle ». Camille finit par s’y balader souvent et visite des tombes. « Souvent celles d’hommes », réalise-t-elle. La Ville de Paris édite différents plans du cimetière, dont celui des personnalités les plus connues et les plus demandées : « Les femmes étaient surreprésentées dans la catégorie “muses et compagnes”, ça ne me suffisait pas. »

Des portraits à la pierre noire

La jeune femme commence à faire des recherches, lit des biographies, traque le nom de ces illustres défuntes méconnues dans des articles de presse. Au départ, les visites de potes dans le quartier sont une occasion pour elle d’aller visiter le cimetière avec cet angle féministe. Le compte Instagram accueille in fine les notes accumulées – une dizaine de pages écrites –, dont elle ne sait plus que faire. Pour l’occasion, Camille Paix se met au dessin en autodidacte afin de redonner un visage à ces femmes dont elle déniche des photos dans des archives. Sa technique : la pierre noire, une sorte de fusain, moins gras et moins volatile. Lorsque les dessins sont en couleurs, c’est que la concession du caveau n’a pas été renouvelée, alors, c’est comme une double renaissance.

L’autrice Colette, la femme de lettres et féministe Gertrude Stein, la peintre Marie Laurencin… La « Mère Lachaise » découvre des centaines de femmes dont elle avait peu, voire jamais, entendu parler. « Je savais en théorie que les femmes, les lesbiennes faisaient partie de l’Histoire, mais dans la pratique, je n’avais pas d’exemple en tête dans l’histoire de France et même en général. » Une illustration de plus que l’Histoire est écrite par et pour les hommes blancs et hétéros.  

La vie d’une de « ses chouchoutes », Rosa Bonheur, en témoigne. « Je ne partais pas trop pour l’aimer, car quand j’ai commencé mes recherches sur elle – elle est peintre animalière –, ses œuvres me semblaient chiantes. Mais sa vie m’a énormément touché. La mère de Rosa est morte quand elle avait 11 ans, d’épuisement. Son père était dans une genre de séminaire avec des saint-simoniens, la vie d’intello rêvée. Pendant ce temps-là, la mère s’occupait des enfants, travaillait pour gagner de l’argent et faire vivre toute la famille ; elle s’est littéralement tuée à la tâche. Son père, également peintre, est alors revenu pour prendre en charge les enfants. Rosa a voulu faire comme lui. À 13 ou 14 ans, son père, qui l’avait prise en apprentissage, voulait qu’elle signe de son nom à lui parce qu’il estimait qu’elle ne ferait jamais carrière ! » La suite lui prouvera le contraire.

Lire aussi : Notre acrostiche biographique de Rosa Bonheur

Camille ne sait pas si la mairie de Paris a eu vent de son initiative, qu’elle aimerait voir se multiplier. « Je sais que des guides incorporent certaines de mes recherches dans leurs visites. Y a plein de super retours, j’ai appris beaucoup de choses, j’espère que je peux servir à faire en sorte que leur mémoire ne soit pas oubliée, qu’on vienne fleurir leur tombe. »  En un mot, les faire entrer dans l’Histoire, enfin. 

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