Le premier film réalisé par Charlotte Gainsbourg, Jane par Charlotte, est sorti début 2022 et c'était une belle surprise. Ce documentaire sur sa mère, Jane Birkin, ressemblait à une déclaration d’amour. Douce et profonde. On le verra désormais avec, en plus, beaucoup de mélancolie. Causette avait rencontré Charlotte Gainsbourg à l'occasion de la sortie de ce premier long métrage.
Causette : Lorsqu’une fille filme sa mère et la questionne, elle prend le risque de dévoiler, donc d’exposer, une grande intimité. Vous êtes-vous fixé des limites ?
Charlotte Gainsbourg : Non, pas vraiment. Je n’ai pas eu l’impression de révéler des secrets de toute façon. Il y a encore des choses que l’on ne partage pas, elle et moi. Mais vous savez, je n’ai compris mon film qu’au fur et à mesure que je le tournais. Tout était très libre.
Au départ, je voulais réaliser un portrait de ma mère, sans trop savoir ce que je cherchais. J’habitais encore à New York, je savais que la distance entre nous lui avait fait du mal. Comme j’adorais le spectacle avec lequel elle tournait – Birkin/Gainsbourg : le symphonique –, j’ai entrepris de la filmer lors d’un de ses concerts au Japon.
On a un lien avec ce pays, car Kate, ma sœur, entretenait un lien passionné avec lui. Cela paraissait donc logique… et puis, grâce ou à cause du Covid, les choses se sont recentrées et c’est devenu un film sur elle et moi.
À vous entendre, le processus semble avoir été facile, d’une grande douceur. C’est en tout cas ce que dégage votre film…
C. G. : Oui, enfin, je dois quand même préciser que ça n’a pas du tout été un long fleuve tranquille ! Il y a eu un arrêt, après cette première partie tournée au Japon. Quelque chose avait heurté ma mère pendant notre première interview. Je n’ai pas compris ce que j’avais fait de mal, mais elle m’a demandé d’arrêter. Ce que j’ai fait, un peu vexée.
Finalement, un an et demi après, j’ai regardé les images avec elle et elle a vu qu’elles étaient belles, qu’il n’y avait rien d’affreux. J’ai donc pu reprendre l’histoire. Tout cela a pris quatre ans finalement…
De nombreux thèmes traversent votre film, dont celui de la vieillesse, toujours délicat à manier. Peut-être davantage lorsqu’on est actrice ?
C. G. : Effectivement, je voulais montrer ma mère telle qu’elle est aujourd’hui, parce que je la trouve magnifique. C’est pour ça que je n’ai pas mis d’images d’elle datant des années 1960–1970. Je ne voulais pas du choc de la comparai- son. Mais je ne crois pas l’avoir trahie en m’approchant d’elle comme je le fais. J’ai toujours voulu la filmer le mieux possible. Il n’était pas question de la faire souffrir. C’est la raison pour laquelle j’ai arrêté la caméra, à un moment donné. Nous parlons alors de ma sœur Kate [décédée en 2013, ndlr], avec les petits films de notre enfance projetés derrière ma mère. Elle est très émue, ne peut pas les regarder. J’aurais dû arrêter la caméra avant. Je me le reproche encore…
À sa manière, votre film est une déclaration d’amour à votre mère, non ?
C. G. : Je ne m’en suis rendu compte qu’après. Vous savez, on n’est pas du tout une famille où l’on se dit « Je t’aime ». C’est compliqué, maladroit. Du coup, on se fait des décla- rations par le biais d’une chanson ou d’un film ! J’ai essayé d’aller contre ça avec ma propre famille et je dois dire qu’Yvan [Attal, son compagnon et le père de ses enfants], qui vient d’une culture sépharade, m’a beaucoup aidée !
Bande annonce
Jane par Charlotte, de Charlotte Gainsbourg. Sortie le 12 janvier 2022.