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Manifestation en hommage aux trois militant·es kurdes tué·es par balle, vendredi 23 décembre. Lundi 26 décembre, place de la république, Paris. ©Capture d'écran BFM-TV.

Qui était Emine Kara, la mili­tante kurde assas­si­née le 23 décembre rue d’Enghien ?

Emine Kara, l'une des trois personnes assassinées le 23 décembre dernier rue d’Enghien dans le Xe arrondissement de Paris, était responsable du Mouvement des femmes kurdes en France.

Elle était aussi connue sous le nom de guerre d’Evin Goyi. En kurde, Evin veut dire « amour ». Vendredi 23 décembre, Emine Kara de son vrai nom a été tuée par balle par un homme qui a ouvert le feu à plusieurs reprises peu avant midi, dans et devant le centre culturel kurde Ahmet Kaya rue d’Enghien, dans le Xe arrondissement de Paris. Deux autres hommes ont également été tués dans cette fusillade – dont le chanteur kurde et réfugié politique Mir Perwer - et trois personnes ont été blessées. Les trois victimes, toutes Kurdes, étaient des membres investi·es dans leur communauté.

Ce jour-là, cette femme de 48 ans bien connue de la diaspora kurde en France devait d’ailleurs participer à une réunion de préparation du dixième anniversaire de l’assassinat de trois militantes kurdes tuées rue Lafayette à Paris le 9 janvier 2013, selon le Conseil démocratique kurde de France (CDK-F), cité par Libération. Mais ce rendez-vous avait été reporté au dernier moment, à cause d’un problème de transports. Emine Kara, responsable du Mouvement des femmes kurdes en France, s’était tout de même rendue au centre culturel, rue d’Enghien, non loin de la rue Lafayette. Elle travaillait notamment à l’organisation d’une manifestation pour réclamer plus de transparence sur les circonstances de l’assassinat des trois militantes kurdes.

Combattante du Rojava

Selon Libération, Emine Kara était originaire de la province turque de Sirnak à la frontière irakienne. À vingt ans, la jeune femme fuit son village avec sa famille après l’incendie et le massacre des hommes de son village par les forces turques, raconte le quotidien. Après quatre années dans le camp de réfugié·es de Zahko en Irak, la famille s'est installée dans celui de Makhmour au nord du pays. Selon les informations du Monde, elle a combattu et milité pendant trente ans au sein du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) dans les quatre parties du Kurdistan, en Turquie, en Irak, en Syrie et en Iran. Notamment contre l’État islamique (EI). De nombreuses femmes ont intégré les rangs du PKK qui possède un engagement féministe très affirmé, « qui fait partie des piliers idéologiques du mouvement – avec l’écologie et un communalisme à tendance marxiste », souligne Le Monde.

Lire aussi I La lutte armée des Kurdes iraniennes pour la liberté

Lorsque le groupe djihadiste instaure son califat dans le Nord de l’Irak en 2014, Emine Kara rejoint les rangs du Rojava – le Kurdistan syrien dont les forces armées ont fait front à la fois contre l’État islamique et l’armée syrienne de Bachar Al-Assad. Elle participe notamment à la reconquête de Raqqa les armes à la main, selon France 24. En 2019, blessée lors d’un combat contre l'État islamique, Emine Kara gagne l’Europe pour y être soignée. Elle se fait opérer en Allemagne avant de s’installer en France en septembre 2020, précise Libération.

Demande d’asile politique rejetée 

Depuis son arrivée, Emine Kara s'était investie dans le Mouvement des femmes kurdes dont elle était devenue la responsable nationale. Le mouvement a été mondialement médiatisé pendant la guerre menée au Rojava contre Daech. Emine Kara se déclarait pour autant comme enseignante, indique Libération. Sans mari connu ni enfant, elle ne s’est jamais présentée comme une combattante à l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra). Poursuivie en Turquie pour ses activités politiques au sein du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), elle avait fait une demande d’asile politique, mais contrairement à celle du chanteur Mir Perwer - également tué dans l'attaque de vendredi-, celle-ci avait été rejetée par les autorités françaises en février, a précisé le porte-parole du Conseil démocratique kurde, Agit Polat, cité par Libé. Un refus confirmé par la Cour nationale du droit d’asile fin août. « La cour a estimé qu’elle n’avait pas une visibilité suffisante pour justifier son ciblage actuel par les autorités turques », a précisé son avocat Me Malterre auprès de Libération. Il a indiqué au journal qu’il avait formé un pourvoi en cassation.

Selon les déclarations d’Agit Polat, porte-parole du CDK-F à franceinfo, la militante « avait une certaine responsabilité plus large à l'échelle du mouvement des femmes kurdes du monde entier. Dans ce sens, ce n'est pas une cible qui a été prise au hasard. » « C’est une femme qui a combattu pour la protection de la France. Malheureusement, la France n’a pas pu la protéger » a-t-il ajouté.


Mise en examen du suspect 

Le suspect de l’attaque qui a tué Emine Kara et deux autres personnes, William M., a été mis en examen lundi pour assassinats et tentatives d’assassinat en raison de la race, de l’ethnie, de la nation ou de la religion. Il a été placé en détention provisoire. L’homme de 69 ans, conducteur de train à la retraite, a justifié son acte en revendiquant son caractère « raciste » et a reconnu ressentir une « haine des étrangers devenue complètement pathologique », rapporte Le Parisien.

Pour le porte-parole du Conseil démocratique kurde de France, Agit Polat, il s’agit d’ « un attentat terroriste ». La perquisition et l’exploitation d’un ordinateur et d’un téléphone n’ont toutefois pas révélé pour l'heure « un quelconque lien avec une idéologie extrémiste », selon la procureure de Paris.

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