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© Serge Picard

Des pseu­dos beaux comme les camions

Jacky42, L'Ouragan, Ange66 ou Fantastique : les pseudos des routier·ères, c'est tout une histoire. Simples ou créatifs, ils en disent toujours beaucoup. C'est presque des messages ambulants inscrits sur une fausse plaque d'immatriculation.

Prêtez-y attention : sur l’autoroute des vacances, vous en croiserez des lumineux ou d’autres auréolés de guirlandes, de franges, de pompons ou d’autocollants. Souvent inscrits sur une fausse plaque d’immatriculation. Ce sont les QRZ. Acronyme désignant à la fois les pseudonymes des routier·ères et les panneaux qu’ils·elles accolent derrière leur pare-brise et sur lequel ils figurent. En code Q (Q comme question), un langage du temps de la communication radio, permettant de traduire quelques phrases simples en trois lettres, QRZ signifie « Par qui suis-je appelé ? ». La tradition vient de la CB, système qui permettait aux camions de discuter lorsqu’ils étaient proches. « Au lieu de mettre notre numéro de carte grise, témoigne Éric, ancien routier aujourd’hui producteur de plaques QRZ, on mettait un surnom, souvent avec le département derrière, style Jacky42. » De quoi créer une complicité chaleureuse pour briser huit heures de route en solitaire à l’ère du sans-portable. « Sans se connaître, on pouvait se dire “Ah, GrosDoudou, comment vas-tu ? Bisous !” », décrit en toute simplicité Annie Sedlegger, alias L’Ouragan. 

Une imagerie conquérante

Aujourd’hui, la CB a disparu. Alors, le QRZ, « c’est plus pour se montrer, reconnaît Éric, c’est à qui aura la plus belle plaque personnalisée ». S’il lui arrive de graver des photos d’enfants ou des « Jean-Marc sur coucher de soleil » pour ses client·es, ce sont surtout « les logos de leur marque de camion préférée, mais aussi des serpents, scorpions, dragons, pirates ou têtes de mort… » Une imagerie conquérante, qui rappelle certains pseudos, comme L’Ouragan (lire le portrait page 34) ou Fantastique. Y aurait-il là une volonté de s’empouvoirer – notamment pour les femmes  –, de montrer que l’on dompte le bitume et la nature, comme l’évoquent ces images puissantes ? Lorsqu’on lui pose la question, Éric sourit : « Mon QRZ, c’était L’Éclair… » 

Marcienne Martin, chercheuse en sociolinguistique, a consacré sa thèse aux pseudonymes. « Lorsqu’on demande “Pensez-vous que votre pseudo a une influence sur votre rapport avec les autres”, 41 % des interviewés répondent oui. C’est une projection de soi, en fonction du groupe dans lequel on se place », expose-t-elle. On comprend mieux les Ange66, GrosPoupon, Famounette et autres surnoms attendrissants, qui cassent l’image des dompteur·euses de poids lourd, à la dure. « C’est aussi toujours lié à la personnalité », précise la chercheuse. Comme L’Ouragan, baptisée ainsi car, raconte la routière, « après une semaine de travail, quand je rentrais chez moi, en deux minutes, avec mes Tupperware et mon linge, je mettais le souk dans la maison ! » Lorsqu’on demande s’il y a des QRZ mythiques, que l’on frissonnait de croiser, pas de nom qui se dégage. En revanche, au détour des conversations, on nous cite deux fois GrosDormeur. Du coup, faites juste gaffe si vous le croisez…

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