Lokz Phoenix est illustratrice. Installée depuis quatre ans à Paris, cette Hongkongaise qui a navigué dans le milieu de la mode dessine aujourd'hui de plantureuses baigneuses, pour rendre aux femmes leurs vrais corps. Surtout, elle garde un œil sur la répression politique à l’œuvre dans son pays. Nous l'avons rencontrée pour discuter de son travail et de la crise à Hong Kong.
« C’est paradoxalement depuis la France que j’ai redécouvert ma ville d’origine », raconte Lokz Phoenix, 34 ans, attablée dans un café parisien. Quand elle débarque, elle comprend que tous les bus du monde n’ont pas deux niveaux, que parler couramment anglais n’est pas monnaie courante et que porter un deuxième prénom anglais n’est pas une obligation. Bref, Lokz, 30 ans à l’époque, prend la mesure de l’empreinte culturelle britannique spécifique et persistante à Hong Kong.
À la base, son séjour en France ne devait durer que six mois, le temps de changer d’air et de casser la monotonie de sa vie hongkongaise. Lokz n’utilisera finalement pas son billet retour, « car les hasards de la vie et les rencontres, les opportunités de [s]’épanouir dans [s]on métier d’illustratrice [la] font rester ». L’illustration – la plupart du temps aquarelle ou peinture acrylique –, l’indisciplinée Lokz a là encore plongé dedans pour se soustraire à son quotidien un peu ronflant alors qu’elle travaille en tant que graphiste pour une marque hongkongaise. « Je n’ai jamais pris de cours de dessins, j’avais fait des études de graphisme. Mais à force d’évoluer dans la boîte, je me suis retrouvée à un poste où je ne faisais plus que manager, sans plus créer », raconte celle qui, dans une société hongkongaise où les rôles sont encore très genrés, avait subi les remarques de son patron sur son manque de politesse supposé parce qu’elle se refusait à porter du maquillage. Sa première exposition personnelle à Hong Kong, juste avant son départ en France, est d’ailleurs une sorte de fuck au milieu de la mode et à sa manie de photoshoper les corps des femmes, hanches affinées, seins décuplés.
Inspirées de ses souvenirs de bains publics japonais, ces baigneuses tout en forme célèbrent les corps féminins réalistes, comme une manière de retrouver des canons de beauté perdus. « Avant le XXè siècle, les plus belles femmes chinoises étaient celles que l’on considèrerait aujourd’hui grosses, remet-elle. Leur large taille était synonyme de richesse et de fertilité. Aujourd’hui comme en France, on aime les filles toujours plus fines. »
L’influence de l’empire britannique puis de la Grande-Bretagne a contribué à sculpter les critères[…]