Trois ans après la sortie de son premier album et son gigantesque succès, Angèle revient avec Nonante-Cinq, à paraître le 3 décembre sur les plateformes d'écoute avant sa sortie officielle le 10 décembre. Et c’est peu dire qu’il est attendu. Ce retour s’accompagne de la sortie d’un docu Netflix dans lequel la chanteuse se raconte, diffusé à partir du 26 novembre. En trois ans, Angèle s’est imposée dans le paysage musical, certes, mais aussi féministe. Retour sur l’histoire de celle qui a contribué à populariser et à mettre sur le devant de la scène un mouvement sociétal de fond.
Printemps 2020. Angèle est confinée chez elle, comme le reste de la planète. Sauf que tout le monde n’a pas rempli quatre soirs de suite l’Accor Arena, à Paris, un mois plus tôt. Passer d’une salle de vingt mille personnes à des apéros Zoom, la décompression est sévère. La chanteuse se retrouve seule face à son piano et la truffe humide de sa chienne, Pépette. Cette pause impo- sée lui offre toutefois une respiration et de l’inspiration. Au milieu du chaos sanitaire, elle pose les bases de deux nouveaux titres : Bruxelles, je t’aime et Libre. Sans crier gare, un deuxième album est sur les rails. Il faut parfois s’arrêter pour mieux repartir.

Depuis la sortie de son premier single, La Loi de Murphy, en octobre 2017, la jeune Belge a été emportée dans un tourbillon. « Dès le début, j’ai été dépassée, reconnaît-elle, assise à l’arrière d’un van qui la conduit dans Paris vers une séance d’essayage. Comme catapultée, j’ai perdu pied assez vite. Cela ne signifie pas que c’était négatif, mais tout s’est fait dans l’urgence. » Angèle a capté l’air du temps (les réseaux sociaux, la sexualité, le sexisme…) pour le mettre en tubes élec- tro-pop. Mais le vent de fraîcheur venu de Belgique prend vite l’ampleur d’une tornade. Balance ton quoi la propulse en icône féministe. Ta Reine fait d’elle une voix de la communauté LGBTQI. Brol, son premier album, vendu à plus de 1 million d’exemplaires en France et 500 000 dans le monde, a mis un sacré bazar dans sa vie.
« Elle a un côté ‘girlnext door’ pleine d’autodérision. C’est plutôt rare. Son discours frontal est simple mais chargé de sens »
Rebecca Manzoni, journaliste, chroniqueuse et productrice radio
Angèle Joséphine Aimée Van Laeken, née le 3 décembre 1995, à Uccle, en Belgique, a beau être une enfant de la balle (un père, Marka, chanteur ; une mère, Laurence Bibot, humoriste ; un frère, Roméo Elvis, rappeur), cela fait beaucoup pour ses épaules. Elle voulait faire de la musique, jouer dans les bars bruxellois. Elle découvre une industrie et un costume de Wonder Woman. « À 21 ans, on te dit que tu pars en tournée pour vingt-cinq dates, que ton agenda des dix prochains mois est calé. C’est vertigineux et déstabilisant. Sans parler de la gestion de la notoriété qui accompagne le succès. »
Pas le temps d’attacher sa ceinture, le manège a démarré et elle a déjà décro- ché le pompon. Pas un hasard si des montagnes russes illustrent la pochette de son nouvel album Nonante-Cinq, référence à son année de naissance et à sa belgitude.
Subtile ironie
Angèle plaît aux adolescent·es et par- fois aux parents. Son secret : l’humour. Au début, les patrons du label Romance Musique (propriété d’Universal), qui ont signé un contrat avec la struc- ture d’Angèle (Angèle VL Records), se sont même demandé si son projet était comique ou musical. « Angèle peut parler de son chien, de ses règles ou de féminisme de manière spontanée et décomplexée, vantent Pierre Cornet et Yann Dernaucourt. Elle a le sens de la pop et une liberté de ton très urbaine, qui correspond à la culture dominante des jeunes. » Ses textes manient l’ironie subtilement. « Pour une fille belle t’es pas si bête/Pour une fille drôle t’es pas si laide », claque-t-elle dans Balance ton quoi. « Elle a un côté girl next door pleine d’autodérision, souligne la journaliste Rebecca Manzoni, à la tête de l’émis- sion musicale Pop N’Co sur France Inter. C’est plutôt rare. Son discours frontal est simple mais chargé de sens. » Mise en musique de la vie d’une jeune femme de 20 ans, Brol tient de la bande dessinée. Dans ses chansons vignettes et sur les réseaux, Angèle joue la carte de la sincérité et de la proximité.

« Elle possède la grâce et l’insolence, remarque Serge Hureau, direc- teur du Hall de la chanson*. Mais elle n’est ni dans la provocation ni dans la complaisance. Pourquoi un artiste marche ? Parce que le public peut s’identifier à lui ou à elle. »
Un album « exutoire »
Brol était la conquête profes- sionnelle d’une autrice-com- positrice-cheffe d’entreprise. Angèle a dès le[…]