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Sexe et JO : l’important, c’est de prendre son pied

Militant de la lutte contre le sida, le Dr Kpote intervient depuis une vingtaine d’années dans les lycées et centres d’apprentissage d’Île-de-France comme « animateur de prévention ». Il ­rencontre des dizaines de jeunes avec lesquel·les il échange sur la sexualité et les conduites addictives.

Tous les quatre étés, vautré·es dans nos canapés, nous sommes des millions à nous rincer l’œil sur des pecs et des abdos sculptés, des cuisses fermes et des petits culs bien musclés. C’est le temps des olympiades et des glaçons dans la limonade. Émoustillé·es par la chaleur des après-midi estivaux, il nous arrive même de tomber le pentathlon pour passer au saut d’obstacles, le salon se transformant alors en terrain de jeux érotiques, pratiqués en individuel ou en équipe. 

Il ne vous a pas échappé que la flamme a quitté Tokyo et le pays des hentai1 pour venir incendier celui du French kiss. Mais êtes-vous prêt·es pour Paris 2024 ? Saviez-vous, par exemple, qu’un rapport dure en moyenne 7,3 minutes, soit le temps qu’il faut à un Éthiopien pour plier un 3 000 mètres ? Fort de cette info, vous conviendrez qu’il vaut mieux choisir une course de fond pour s’envoyer en l’air devant sa télé plutôt qu’un 100 mètres orchestré par la fusée Bolt, qui, après 9 secondes de bonheur précoce, vous exposera au micro et aux postillons d’un Nelson Monfort toujours au top de la synthèse : « So it was a quick but wonderful coït. » (C’était un coït rapide mais merveilleux.)

Citius, Altius, Fortius (« plus vite, plus haut, plus fort », devise des JO), il y a bien un lien entre sexualité et sport ! Pour preuve, aux Jeux d’hiver, en 2018, à Pyeongchang (Corée du Sud), l’appli­cation de rencontre Tinder avait vu son utilisation grimper de 350 % et à Rio (Brésil), près de 450 000 préservatifs avaient été distribués aux athlètes. 

En même temps, quand on réunit sur trois semaines près de 11 000 jeunes au top de leur forme physique, bourré·es d’hormones de synthèse et de stimulants en tout genre, en plein pic de dopamine, on est en droit de s’attendre à un sacré cocktail de fluides échangés !

Forcément sensibles à toutes ces performances, les jeunes n’en finissent pas de me questionner sur la dimension physique de la sexualité. Le fameux « sport en chambre » n’est toujours pas une expression désuète tant ils sont nombreux les grands spécialistes du va-et-vient, prêts à risquer l’accident cardio-vasculaire, dopés au Viagra ou à d’autres vasodilatateurs illégaux. « Prêts à tout pour tirer à balles réelles [sans capotes, ndlr] », m’avait résumé une équipe de tireurs en chambre parisienne qui visait probablement la médaille d’or de la contamination. 

Dans ce contexte, certains me posent la question ultime : « Monsieur, le plus important, c’est la taille ou le cardio ? » On aurait pu convoquer Tony Estanguet, président du Comité d’organisation des Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024, pour y répondre, mais je doute que sa réponse les eût satisfaits vu que le bonhomme était plutôt un adepte des plaisirs solitaires dans son canoë monoplace. Mais ces jeunes qui font référence au cardio parlent-ils d’une montée en puissance rapide suivie d’une bonne tenue de l’exercice ? Font-ils référence à l’endurance cardio-vasculaire, soit la capacité de poursuivre pendant un certain temps un effort modéré sollicitant l’ensemble des muscles ? « Alors les gars, à fond ou longtemps ? » me suis-je risqué « Les deux ! » m’ont répondu des CAP ­commerce pas avares dans l’effort.

Je leur ai demandé si, au regard de cette liaison sexualité-sport, ils envisageraient que le cul intègre les épreuves des prochains JO dans la capitale de l’amour ? Celui-ci pourrait se pratiquer en double mixte ou pas, en individuel ou en équipe, voire en paralympique avec assistant·es sexuel·les… 

Ils étaient chauds au point d’imaginer un programme d’entraînement. Question agrès et matos, cette génération Pornhub préfère se fournir sur Ruedesplaisirs.com plutôt qu’au Decathlon du coin. D’ailleurs, quand ils vident leurs sacs, ça vibre sur la moquette. À 15 ans, ils te font croire qu’ils gèrent du sextoy, des plugs2 et du matos BDSM bien mieux que des haltères ou une corde à sauter.

On a causé échauffement, car il ne fallait pas risquer une déchirure musculaire avant la compète. « L’échauffement, c’est les prélis !, m’a balancé avec un grand sourire l’un d’eux. Ça peut aussi être une petite branlette aux gogues avant, histoire de proposer du jus bien frais à la meuf. » « Et on dure plus longtemps si on s’est branlé avant », ont ajouté deux autres, en vieux briscards de la discipline. J’ai clairement signifié que ne pas s’échauffer correctement – préparer certes son pénis mais aussi mobiliser les glandes du vagin pour bien lubrifier –, c’est risquer la blessure, la douleur et probablement le trauma qui va avec pour la suite de sa carrière sexuelle. J’ai évoqué le vaginisme et les dyspareunies3, la rupture du frein et la balanite4, sans occulter le priapisme5 pour les marathoniens de l’érection. En 2024, pour accompagner nos athlètes, nous aurons besoin autant de sexos que d’osthéos.

Le mec se voyait bien taper la série de pompes au-dessus de sa partenaire, histoire de s’échauffer, galvaudant un peu trop, à mon goût, la préparation mentale. Galvanisé par leur imagination, j’ai intronisé un certain baron Pierre de Libertin et décrété que « le plus important n’était pas de gagner mais de prendre son pied »

La question du classement des parti­cipants pour la remise des médailles se posait : une note esthétique comme au patinage ou la gym au sol pouvait être envisagée, soulevant les éternels débats sur la probité des juges. La performance pouvait aussi être notée sur la durée du coït, sur l’intensité sonore des orgasmes du couple, le nombre de figures imposées réalisées et celles totalement libres proposées par les athlètes. J’ai imposé un « critère qualité de la relation, complicité et respect », qu’ils ont accepté sans rechigner. 

Pour clore le débat, je me suis essayé à l’interview post-podium : « Je me suis mis au service de mes partenaires. J’ai élevé mon niveau de jeu. J’ai tout donné. Je remercie mon entraîneur et ma famille sans qui je n’aurais jamais autant performé. » Quand j’ai évoqué la famille, j’ai senti que j’avais poussé un peu trop loin la blague. On ne remercie pas ses daron·nes après une bonne baise. En 2020, à Tokyo, la France a cartonné en sports collectifs. Cette élévation de notre niveau de jeu en gang bang ou en partouze nous laisse beaucoup d’espoir pour les JO de 2024. Et qui sait, serons-nous enfin débarrassé·es des gestes barrières pour pouvoir pleinement en profiter ? Reste tout de même à régler le problème de la diffusion des épreuves, à l’heure où les géants du porn sont dans le viseur du CSA.

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  1. Mangas à caractère pornographique.[]
  2. Godemichets, généralement anaux.[]
  3. Douleurs ressenties lors des rapports sexuels.[]
  4. Inflammation du gland.[]
  5. État d’érection intense et prolongée, souvent très douloureuse.[]
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