"Les Choses sérieuses" : un essai pas­sion­nant sur les amours adolescentes

La valeur ajoutée de cette enquête sociologique publiée ce vendredi 10 mars, c’est sa durée et sa longueur de vue, qui permettent d’évaluer ce qui perdure, par-delà les années, dans ces rapports amoureux balbutiants : soit un « lien d’appropriation des filles par les garçons ».

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À quoi rêvent les jeunes gens ? Au cul ? Aux sentiments ? Aux deux ? C’est ce que s’efforce d’éclaircir cette somme, fruit de vingt années passées à interroger
des ados de trois milieux sociaux distincts : cités HLM, zones rurales et quartiers parisiens huppés. La sociologue Isabelle Clair y sonde le discours amoureux et les pratiques sexuelles au travers des étapes de cet apprentissage de la « chope ».

S’il est aujourd’hui établi que le·la premier·ère partenaire n’est plus, comme jadis, le·la conjoint·e pour la vie, les témoignages recueillis par Isabelle Clair concordent : on ne naît pas célibataire, on le devient, vers 14 ans, quand prennent fin les amourettes d’enfance. Au lycée, le couple est bien vu, plus encore, i protège : partout, de la cour d’école aux logements familiaux, la conjugalité hétérosexuelle est érigée en norme désirable. Dans ce contexte de forte incitation, chacun·e doit composer avec des attentes sociales genrées : les filles sont sommées de surinvestir le sentiment amoureux, régulant, par là, les excès masculins.

L’une des conclusions tirées par la sociologue est amère : dans la construction de leur identité, les jeunes continuent de naviguer entre deux stigmates, deux figures repoussoirs, la pute et le pédé. Si l’homophobie est assez unanimement condamnée, les jeunes hommes gay restent cependant, dans tous les milieux, relégués à la clandestinité. Du côté des filles, celles-ci doivent avant tout protéger leur respectabilité, leur corps faisant l’objet d’une surveillance accrue par rapport aux garçons.

La valeur ajoutée de cette enquête très dense, c’est sa durée et sa longueur de vue, qui permettent d’évaluer ce qui perdure, par-delà les années, dans ces rapports amoureux balbutiants : soit un « lien d’appropriation des filles par les garçons », qui n’est pas sans rappeler le concept de « sexage » élaboré par la sociologue féministe Colette Guillaumin.

Qu’est-ce qui a changé, au fond, ces derniers temps ? Outre la nouvelle sociabilité fournie par les réseaux sociaux, on peut citer, par exemple, l’émergence de jeunes filles non binaires : une identité fluide, qui leur permet, dans une certaine mesure, de se soustraire à des cadres normatifs. Bref, un état des lieux fouillé des amours adolescentes que ne renierait pas notre estimé Dr Kpote.

Les Choses sérieuses. Enquête sur les amours adolescentes, d’Isabelle Clair. Éd. Seuil, 400 pages, 21,50 euros, à paraître le 10 mars.

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