Causette a rencontré Julie Delpy, actrice, réalisatrice et scénariste de son dernier film, à l'affiche ce mercredi : My Zoé. Un long-métrage sur la résilience d'une femme, l'amour maternel, et les limites de notre morale. Attention, spoiler !
Causette : Le film parle d’amour maternel, un thème fréquemment traité au cinéma, que vous emmenez un cran au-dessus : en montrant Isabelle, une femme qui, par amour, va faire une véritable folie…
Julie Delpy : Mais est-ce qu’elle est folle ou est-ce qu’elle l'est finalement moins que beaucoup de gens ? Est-ce que toute entreprise humaine, quand elle sort du cadre de ce qu’on connaît déjà, n’est pas pure folie ? Est-ce que l’humanité ne s'est pas construite à la suite de plusieurs cas de folie qui ont fait avancer les choses ? Je pense que la folie humaine amène aussi à la création et à l’aventure. Il n’y a que les fous qui font des choses nouvelles, qui osent. Si on ne l’est pas, on reste dans les limites de l’acceptable.
Le film parle aussi de la difficulté de faire le deuil d'un enfant...
J.D. : Je souhaitais en particulier parler du deuil de la femme qui, dans la société, a toujours été celle qui doit l'accepter, du fait de la mort des enfants à la naissance, et du risque de sa propre mort à l’accouchement. Alors quand une femme comme Isabelle prend la décision d’aller à l’encontre de la nature, tout d’un coup, ça devient moralement et éthiquement problématique, en tout cas pour certaines personnes. J’avais envie d’aller dans des terrains peu explorés, dans une forme de science-fiction émotionnelle. Et puis de poser de vraies questions aussi, sur le sens de ce que c'est qu'être mère par exemple.
Autre thème du film : le clonage. Pourquoi avoir choisi de parler du deuil à travers ce sujet encore plutôt tabou ?
J. D. : Le film n’est pas tant sur le clonage, qu'une invitation à questionner la morale de notre société, à se demander quelle logique l'alimente. Comment, dans notre morale judéo-chrétienne, avec notre idée de l’âme et de l’individualisme, une femme qui prend une décision qui n’affecte pas la vie des autres, dérange plus que des féminicides, des guerres ou même notre saccage de la planète ? Et puis c’est basé dans un monde parallèle, dans le futur, possiblement dans dix ans ou plus. Ce n’est pas réaliste, c’est plutôt à voir comme un conte sur la séparation, sur un couple qui se déchire, et sur la place de l'enfant dans ce cas-là.
Quel en est le message alors ?
J.D. : Il n’y a pas vraiment de message. Ce film est davantage l'observation d’un personnage, en l'occurrence de cette femme qu’on peut juger folle, terrible, monstrueuse, un peu à la Frankenstein, mais qui réussit quand même à créer quelque chose d’impossible.
