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Intervention de Lumir Lapray aux journées d'été des écologistes 2021, à Poitiers au parc Blossac.©Greenbox

Législatives : dans l’Ain, la der­nière ligne droite de la can­di­date Nupes, Lumir Lapray

Série : Les primo-candidat·es en campagne 6/6

Dans les derniers kilomètres de la course à l’Assemblée, la primo-candidate EELV, qui se présente dans la deuxième circonscription de l’Ain sous l’étiquette de la Nupes, entend bien ravir la première place. Dimanche dernier, elle a créé la surprise en obtenant 25,42 % des voix juste derrière le candidat de la majorité, Romain Daubié (26,42%).

La victoire le 19 juin, Lumir Lapray en est « persuadée ». C’est debout sur une chaise en osier du bar PMU Chez Flopette, sur la place du village de Lagnieu dans l’Ain, qu’elle a débité avec force son discours le soir du premier tour, dimanche dernier. Un discours qui a déjà des airs de victoire pour la primo-candidate EELV se présentant dans la deuxième circo de l’Ain sous l’étiquette de la Nupes. La jeune femme de 29 ans est arrivée en deuxième position avec 25,42 % des voix, pas loin derrière le candidat de la majorité, Romain Daubié (Ensemble) et ses 26,42 %. « Le meilleur score de la Nupes du département », précise-t-elle à Causette. Pour autant, la candidate ne semble pas surprise de ce résultat : « Ça ne tombe pas tout cuit, on a beaucoup bossé », assure t-elle.

Comme dans toute campagne électorale qui touche à sa fin, Lumir Lapray n'a pas une minute à elle. « Ça va être les cinq jours les plus longs de nos vies je pense, mais on ne peut pas abandonner », a-t-elle lancé, dimanche soir, à la cinquantaine de personnes venues la soutenir. Ce mardi 14 juin, à cinq jours du deuxième tour, Lumir Lapray et son équipe viennent d'enchaîner seize heures de terrain dont deux heures de débat avec son adversaire, Romain Daubié. « C'était une discussion assez âpre, reconnaît d'ailleurs Lumir Lapray auprès de Causette. Monsieur Daubié se sent en danger, il faut dire qu'on est passé devant lui dans sa propre ville, c'est dur pour lui à accepter. »

Territoire de droite

Au départ, pourtant, la mission semblait impossible. « Quand on tractait en janvier, personne n’y croyait », a commencé Lumir Lapray, vêtue d’une longue robe rayée bleu blanc rouge pour l'occasion. Et pour cause, la circonscription où elle se présente est un territoire traditionnellement acquis à la droite depuis plus de soixante ans. Dans son discours, elle n’a d’ailleurs pas hésité à évoquer le dernier député de gauche de la région. Il s’appelait Henri Bourbon, était communiste et c’était en 1956. 

Un peu moins de soixante-dix ans plus tard, dans ce territoire périurbain qui regorge de travailleurs·euses précaires, les électeur·rices votent de moins en moins, et de plus en plus vers l’extrême droite. En 2017, Marine Le Pen est arrivée largement en tête avec 25% des voix au premier tour. 26 % en 2022, derrière Emmanuel Macron (27 %). Dans son discours de dimanche, Lumir Lapray s’est d’ailleurs adressée aux électeur·rices du candidat RN, Alexandre Nanchi, arrivé en quatrième position et dont le candidat de la majorité espère le report des voix, assure La voix de l'Ain. « Je ne pense pas qu'il puisse rallier ces voix, estime Lumir Lapray. L'électorat du RN vote Marine Le Pen pour des mesures sociales que l'on porte également, comme la retraite à 60 ans. Ce sont des personnes qu'on peut toucher et je n'ai pas honte de leur dire qu'on est leur véritable maison. »

Des mesures écolos et sociales 

« On croit aux idées qu’on défend », a-t-elle poursuivi dans son discours, martelant que l’« on mérite une planète durable, une école dans laquelle nos gamins ne sont pas quarante, un salaire qui nous permet de vivre à la fin du mois ». Concrètement, Lumir Lapray souhaite, si elle est élue à l’Assemblée, augmenter le smic sans augmenter les cotisations sociales, proposer une « vraie loi climat », ainsi qu’une grande loi contre les violences sexuelles et sexistes, limiter les effectifs à vingt-cinq élèves maximum par classe et développer le service public du grand âge. 

« Dans une élection, c’est souvent le plus connu qui l’emporte », a commenté Romain Daubié, candidat de la majorité, auprès du journal La voix de l’Ain, quelques minutes après les résultats définitifs du premier tour. Il est vrai que si la verve de Lumir Lapray est solide, la jeune femme était jusqu’ici une inconnue du monde politique local. Elle n’avait d’ailleurs jamais envisagé d’en faire partie un jour. Élevée par une mère professeure d’Histoire-Géo, Lumir - qui veut dire « "lumière'" en langue d'oc »- a grandi à Proulieu, dans une petite ville au cœur de la plaine de l’Ain. Si la politique n’est pas, pour elle, une vocation, elle est « déterminée à se battre contre les injustices » et « décide très tôt qu’elle se mettra au service des autres » - peut-on lire dans la rubrique « Qui est Lumir ? » de son site internet

Démocratie et ruralité 

Lumir Lapray intègre Sciences Po Lyon où elle vit un choc culturel qui déclenche son envie de s’investir pour la réussite scolaire des jeunes ruraux·ales et péri-urbain·es. « J’étais une des premières de mon lycée péri-urbain à y accéder. Mais la rencontre avec l’élite a été complexe… J’ai vite réalisé que ce n’était pas un endroit fait pour les gens venant de milieux modestes, qu’ils soient péri-urbains, ruraux ou banlieusards », raconte-t-elle dans une interview donnée au média Usbek & Rica

Pendant ses études, elle part effectuer un stage à Los Angeles au sein de l’organisation syndicale Fight for $15, qui milite et obtient l’augmentation du salaire minimum de 9 à 15 dollars de l’heure en Californie. « C’est à ce moment-là que j’ai compris que la politique pouvait changer des vies », explique Lumir Lapray à Usbek & Rica. L’étudiante embrasse résolument la politique en poursuivant comme collaboratrice parlementaire auprès de l’élu démocrate californien Juan Vargas, avec qui elle travaille notamment sur des projets de loi pour protéger la santé et le droit de vote des citoyen·nes ruraux·ales isolé·es. La démocratie et la ruralité sont alors déjà au cœur de son engagement. 

« Ma maison, ce sont les mouvements sociaux. »

Lumir Lapray 

À son retour en France, elle intègre un cabinet de conseil parisien spécialisé dans la responsabilité sociale des entreprises tout en s’engageant auprès de l’association écologiste Alternatiba et du mouvement social des gilets jaunes. « Quand j’ai compris que même en mettant 500 000 personnes dans la rue ou en dormant pendant trois mois sur des ronds-points, cela ne changeait pas les choses, je suis revenue à mon idée de départ, changer les lois », souligne Lumir Lapray auprès de Mediapart.

En 2020, Lumir Lapray rentre donc dans sa circo natale avec la conviction d’en devenir la prochaine députée. Comme d'autres primo-candidates, elle puise notamment son inspiration dans la figure de la députée américaine Alexandria Ocasio Cortez, qui a réussi le tour de force de ravir au très installé député démocrate Joseph Crowley l'investiture du parti dans la 14e circonscription de l'Etat de New York, pour, par la suite, gagner l'élection.

Investiture de la Nupes

À la fin de l’année 2021, Lapray affine son projet politique en menant deux cents entretiens avec des habitant·es de sa circonscription. Ce qui lui permet de lancer sa campagne assez tôt, en janvier 2022, au départ sans être affilié à un parti politique. « Je ne veux pas m’encarter, affirmait encore la jeune femme auprès de Mediapart deux jours avant le premier tour. Ma maison, ce sont les mouvements sociaux. » 

Soutenue par le projet Les Investies1, l'activiste a pourtant accepté l'investiture de la Nupes en mai, cooptée par le secrétaire national d’EELV Julien Bayou. « Je suis pragmatique. Je fais de la politique pour gagner et pouvoir porter des lois et je sais que sans l'investiture de la Nupes, ça n'aurait pas été possible d'accéder au deuxième tour, admet Lumir Lapray auprès de Causette. Mais je n'aurais pas accepté n'importe quelle investiture. J'ai accepté celle de la Nupes parce que je me sens profondément de gauche et écolo. »

Campagne effrénée 

« Le premier mois, nous étions dans le noir, à faire du porte-à-porte alors que tout le monde se fichait des législatives, personne ne nous prenait au sérieux », raconte son compagnon Arthur Joliveau à Mediapart. Aidée par des militant·es et de nombreux·ses jeunes du coin qui, comme elle, veulent changer les choses localement, Lumir Lapray a squatté les kermesses d’écoles, les halls d’immeubles et les marchés. Sa campagne s’est enchainée dans une cadence effrénée.

De tractages en tractages, de portes en portes et de meetings en meetings, Lumir Lapray écume depuis cinq mois son territoire à la rencontre de ses concitoyen·nes. « Si je vais dans cette législative, ce n’est pas pour me faire plaisir, c’est pour gagner », assurait-elle auprès de Mediapart deux jours avant le premier tour. À quelques jours désormais du second, cette phrase sonne plus que jamais comme un cri de bataille. Une bataille qui s’annonce rude. Face à elle, Romain Daubié, candidat de la majorité, entend bien ne pas céder un centimètre de terrain. 

Lire aussi : Législatives : Maïalen Mallet, la candidate qui se bat pour rajeunir l’Assemblée nationale

  1. Un parcours d'entraînement à la pratique politique.[]
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