Alors que le monde s’ouvre à peine aux personnes trans, voilà qu’il découvre les détrans : celles et ceux qui reviennent sur leur transition. Certain·es ont accepté de nous livrer leur vécu, malgré la crainte, trop souvent étayée, de voir leur histoire récupérée par les opposant·es au genre.

Le sujet est délicat à tellement d’égards que « c’est comme s’il n’y avait pas de bonne manière d’en parler ». Elle a beau avoir cofondé Post Trans, l’une des premières assos dédiées au sujet et être elle-même concernée, Élie, 22 ans, cheveux courts blond scandinave, originaire de Belgique, prend des pincettes. Ce sujet, c’est la détransition.
« À 15 ans, j’ai annoncé à ma famille que j’étais lesbienne, relate-t-elle. Ça s’est bien passé. Ma sœur m’a répondu qu’elle était fière de la femme que je devenais. C’est là que ça m’a heurté·e : je ne me sentais pas “femme”. » Une réflexion s’amorce sur son identité de genre. Selon le protocole en vigueur, Élie consulte une association trans, plusieurs psys et un gynéco recommandé par cette asso qui lui permettra de commencer un traitement hormonal pour transitionner vers le genre masculin. De la testostérone, suivie d’une mastectomie (ablation des seins). « Je me sentais de mieux en mieux dans mon corps. J’avais le sentiment de me le réapproprier. » Mais, au fil du temps, « je me suis rendu compte que je me sentais mal à l’aise avec le statut d’homme hétéro. J’avais le sentiment de cacher une partie de moi ». Alors à 20 ans, Élie arrête les hormones, lâche son prénom masculin et recommence à se faire genrer au féminin. C’est ce processus de passage vers un autre genre après une première transition que l’on appelle « détransition »1
Depuis la diffusion de séries documentaires sur le sujet entre 2018 et 2020 (aux Pays-Bas, en Suède et en Angleterre), le sujet affole les médias étrangers. Ce qui les alarme : l’augmentation des demandes de transitions (quatre fois plus en cinq ans, par exemple, dans le principal service de réassignation de genre du Royaume-Uni). En France, elles ont été multipliées par cinq depuis 2012, nous a rapporté l’Assurance Maladie, atteignant environ (et seulement) cinq cents dossiers.
Pas de débat sur cette tendance : tous les acteur·rices du monde médical en Europe et en France s’accordent dessus. Mais elle cacherait, s’inquiètent les détracteur·euses, des cas de transitions trop rapides et donc de futur·es détransitionneur·euses. Un argument en or pour les sphères anti-LGBTQI+ : si des personnes éprouvent des regrets à la suite d’une transition, voilà la preuve qu’il faudrait en corser les conditions d’accès. Pourtant, sociologues et militant·es estiment que le chiffre de détransitions tourne autour de 1 % des personnes trans seulement. Le chirurgien spécialiste en réassignation de genre Romain Weigert, seul soignant français membre du comité scientifique de l’Association professionnelle européenne pour la santé des transgenres (EPATH), n’a reçu que trois demandes en quinze ans de carrière. Le sujet se prête d’autant plus aux spéculations qu’il n’existe aucune étude de référence. En France, aucun contenu (à part un article de Closer et de L’Incorrect, « média conservateur »). Et, dans la sphère médicale, « aucune recommandation de la Haute Autorité de santé ni des instances européennes pour accompagner une éventuelle détransition », note Romain Wiegert.
Voyage personnel
Cet argumentaire du regret se fonde sur la théorie d’une chercheuse américaine, Lisa[…]
- Comme les transitions, les détransitions peuvent être à la fois sociales (usage de nouveaux pronoms, vêtements, coiffure, etc.) et médicales (bloqueurs de puberté pour les ados, hormones et opérations chirurgicales)., et qui fait polémique.[↩]