La reforestation a le vent en poupe. Gouvernements, entreprises et particuliers s’en entichent et font planter des arbres à tout va. Les pollueurs se payent-ils une bonne conscience à grands coups de plantations ?
Et soudain, sur le front du climat, une lueur d’espoir transperce l’accablante litanie des mauvaises nouvelles environnementales. On est début juillet. « Planter des arbres : la meilleure solution au réchauffement climatique selon un chercheur », se réjouit Les Inrockuptibles ; « Voici combien d’arbres il faudrait planter pour mettre fin à la crise climatique », s’enthousiasme le féminin Glamour ; « Pour lutter contre le réchauffement climatique, plantons un milliard d’hectares de forêts », exige l’hebdomadaire L’Obs. À l’instar d’un prêche évangéliste se répandant avec ferveur parmi les fidèles, les articles de presse relayant l’information sont partagés en masse sur les réseaux sociaux du monde entier. Car la parole scientifique l’affirme : on sait désormais où planter les arbres qui vont capturer le carbone que les activités humaines déversent. Paru dans la prestigieuse revue Science le 5 juillet, l’article « Le potentiel mondial de la restauration des forêts » cartographie les « 0,9 milliard d’hectares », soit environ la superficie des États-Unis, disponibles sur la planète pour planter une canopée qui permettrait de « capturer 205 gigatonnes de carbone ». De quoi éponger une grosse part des 300 gigatonnes de carbone émis depuis les débuts de l’ère industrielle. Et de quoi rassurer tout le monde.
Sauf les huit géographes et écologues contributeur·trices de l’étude qui ont des sueurs froides devant l’emballement médiatique. Le 9 juillet, face à son « retentissement planétaire », l’un de ses cosignataires, Claude Garcia, publie une mise au point dans un blog sur LinkedIn : « Planter des arbres – voici ce qu’ont retenu de nombreux médias, et qui a capté l’attention du monde, observe l’écologue à l’École polytechnique fédérale de Zurich (ETH) et au Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (Cirad). Pour autant, ce n’est pas le cœur de l’article. » Claude Garcia est même obligé de mettre les points sur les i. « Soyons clairs. Planter des arbres, laisser les forêts pousser, ne fera que resserrer les courbes et ne changera pas leur orientation générale. […] [Cela] ne doit pas remplacer les efforts faits pour sortir de notre dépendance des énergies fossiles et diminuer notre empreinte écologique. » Une nuance bienvenue aux yeux de la communauté scientifique. Interrogé par Causette, Alain Karsenty, économiste et collègue de Garcia au Cirad, n’y va pas par quatre chemins : « Les chercheurs[…]