Deux ans après La Puissance des mères, ouvrage qui appelait à politiser la maternité, la politologue publie un nouvel essai dans lequel elle dénonce les méfaits d'une écologie de classe, qui s’adresse d’abord aux personnes urbaines, blanches et de classe moyenne.
C’est un livre sur l’écologie qui parle, en réalité, des banlieues. Car il s’agit là d’un seul et même sujet, selon son autrice, Fatima Ouassak. Deux ans après La Puissance des mères (éd. La Découverte), ouvrage qui appelait à politiser la maternité, elle publie Pour une écologie pirate, deuxième volet d’une trilogie.
La politologue y développe une pensée ancrée dans les espaces périphériques, en partant de ce constat : les habitant·es des banlieues se mobilisent très peu pour l’écologie, alors que ce sont les premier·ères concerné·es par la pollution de l’air, l’insalubrité, la bétonisation et la mal-bouffe industrielle. Faut-il pour autant en conclure qu’ils et elles n’en ont rien à secouer ? Que nenni. La faute à une écologie de classe, qui s’adresse d’abord aux personnes urbaines, blanches et de classe moyenne.
La démonstration menée par cet essai édifiant consiste à révéler comment les descendant·es de l’immigration africaine ont été entravé·es dans leur participation politique, donc écologique. Car dans ces quartiers, tout est mis en place pour que l’on ne se rassemble pas. On y a trop chaud l’été et trop froid l’hiver. Ces espaces, relégués à la marge par les pouvoirs publics, font ainsi les frais à la fois d’une ségrégation socioraciale et d’inégalités environnementales. Bref, elle signale ici l’échec de ce qu’elle nomme « l’écologie majoritaire », égratignant au passage une gauche qui préfère soigneusement éviter de penser ensemble questions raciales et écologie.
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La fondatrice du Front de mères, premier syndicat de parents d’élèves de quartiers populaires, s’appuie ici sur son expérience de militante sur le terrain : celle qui s’est battue pour obtenir un repas végétarien dans la cantine de sa fille a aussi cofondé, chez elle, à Bagnolet (Seine-Saint-Denis), Verdragon, première maison de l’écologie populaire. Elle écrit : « Dans les quartiers populaires, la question écologique ne peut pas être celle de la protection de la terre – de l’environnement, de la nature, du vivant ; elle doit être celle de sa libération. » La transition écologique sera l’affaire de tous·tes ou ne sera pas, et le béton des cités constitue un terreau insurrectionnel qui ne demande qu’à éclore.
Pour une écologie pirate. Et nous serons libres, de Fatima Ouassak. Éd. La Découverte, 272 pages, 16 euros. Paru le 9 février.
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