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Winnie l'Ourson : « Vous, les humains, vous avez un sou­ci d'expansion »

99 Winnie lourson © Shutterstock
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Ce mois-​ci, je suis par­tie dans la Forêt des rêves bleus pour inter­vie­wer ce gros sac de Winnie l’Ourson. Il s’appelle Winnie et c’est un our­son, du coup tout le monde l’appelle Winnie l’Ourson. C’est pas hyper recher­ché, mais ça fonc­tionne a prio­ri. Alors la Forêt des rêves bleus, outre ce nom par­ti­cu­liè­re­ment chiant, c’est un endroit hyper mal des­ser­vi, et si vous sou­hai­tez y pas­ser le week-​end, le mieux c’est de chan­ger d’avis.

Causette : Bonjour Winnie, je peux vous appe­ler Winnie, ou il faut que je me tape « l’Ourson » toute l’interview ?
Winnie l’Ourson :
Winnie c’est très bien.

À quel moment décide-​t-​on de faire sa mai­son dans le tronc d’un arbre quand on est un our­son de 50 kilos et pas un ter­mite ou un écu­reuil ?
W. :
Mon grand-​père mater­nel était han­di­ca­pé (à cause d’un piège à ours, c’est comme un piège à loups, mais à ours), il avait une patte de bois donc (qu’il a fabri­quée lui-​même) et, ne pou­vant tra­vailler, il res­tait à la tanière. Alors pour s’occuper, il sculp­tait des bouts de bois. J’ai gran­di dans cet uni­vers où tout le monde se palu­chait sur dame Nature. Du coup, pour res­ter dans cette tra­di­tion fami­liale, j’ai creu­sé un arbre pour y faire ma baraque.

Putain, mais vous avez pas creu­sé le tronc de l’arbre au ciseau à bois, quand même ?
W. :
Eh si ! Un ciseau bien aigui­sé et de la patience.

De la patience, tu m’étonnes, ça vous a pris com­bien de temps ?
W. :
Quatre ans et demi.

Hein !? Mais vous êtes un ouf, et vous dor­miez où pen­dant les tra­vaux ?
W. :
Chez Bourriquet.

Quoi !? Dans son espèce de tente en branches, là ?
W. :
Ah oui, c’est res­treint, vous avez vu l’engin ? Après, je vous cache pas qu’avec Bourriquet, on est assez chaud de Brokeback Mountain…

C’est-à-dire ?
W. :
Eh bien, la proxi­mi­té, c’est pas un truc qui nous dérange.

Euh… com­ment ? Vous vou­lez dire que vous, vous… ?
W. :
C’est ça. 

En même temps, quand on se trim­balle toute l’année en tee-​shirt trop court la teub à l’air comme vous, ça doit le chauf­fer le vieux Bourriquet. Bon… Un truc qui m’intrigue depuis un bon bout de temps, com­ment, avec tout le miel que vous bouf­fez, vous n’avez pas des pro­blèmes de ratiches ?
W. :
J’ai pas de dents, c’est tout.

Ah ouais ! d’accord. Et ça vous inquiète pas le pro­blème des abeilles qui peu à peu dis­pa­raissent, les pes­ti­cides, les néo­ni­co­ti­noïdes, les fre­lons asia­tiques, les trot­ti­nettes. Ah non ça, c’est un autre fléau, par­don.
W. :
Évidemment que je suis inquiet, qu’est-ce que je vais bouf­fer ? Le miel, c’est 100 % de mon ali­men­ta­tion. Je vais pas deve­nir car­ni­vore à 90 balais, si ? Et puis quoi ? Acheter un den­tier, bouf­fer Porcinet… Non, mais dans notre forêt, on est glo­ba­le­ment pro­té­gé de tout ça, tout est en bio.

« Tout est en bio », atten­dez qu’un pro­mo­teur rachète votre forêt pour y foutre un Center Parcs, vous allez voir s’il est bio le béton !?
W. :
C’est vrai que vous avez un sou­ci d’expansion, les humains, je sais pas qui vous a fou­tu le mot crois­sance dans les pattes, mais ça vous fait com­plè­te­ment vriller. Fumer une pla­nète aus­si vite, c’est presque du génie. Même ces gros cons de dino­saures, ils ont pas réus­si, pour­tant Dieu sait qu’ils étaient cons… 

Winnie qui file des leçons d’écologie poli­tique, merde. Il est temps de conclure, je pense. Un der­nier mot ?
W. :
Oui, lisez le livre de Fabrice Nicolino, Lettre à un pay­san sur le vaste mer­dier qu’est deve­nue l’agriculture. Ça vous fera pas de mal. 

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