Partie il y a huit ans vers le Brésil à bord d’un voilier qui l’a prise en stop, la baroudeuse Florence Renault, 36 ans, vient de rentrer d’un tour du monde réalisé seulement grâce à ce mode de covoiturage improvisé.

© Capture d'écran du compte Instagram de Florence Renault
Quand, en 2013, Florence Renault s’est préparée pour son grand périple qui la porterait sur cinq continents de notre planète, elle avait envisagé que cela durerait deux ans. La backpaker, 28 ans à l’époque, s’était posé une drôle de contrainte : traverser terres, mers et même airs intégralement en faisant du stop.
Après avoir économisé 22 000 euros, celle qui était alors journaliste reporter d’images (JRI) a mis dans ses deux sacs à dos de 45 et 20 litres des habits pour dix jours, une trousse de toilette, une trousse à pharmacie, un ordinateur, une caméra vidéo, un trépied et une GoPro pour documenter son exploit sur son blog Le monde sur le pouce. Un ukulélé aussi, probablement efficace pour casser la glace avec les autochtones qui la prenaient en stop, mais qu’elle abandonnera au bout de six mois sur la route parce qu’il l’encombrait. Le monde étant plus vaste que ce que nous en percevons en scrutant l’horizon, Florence Renault restera finalement huit ans sur les routes, le pouce levé. À l’occasion de son retour au bercail, à Orléans, auprès des siens fin août 2021, Causette a passé un coup de fil à la voyageuse. Interview.
Causette : Quel effet cela vous fait de retrouver Orléans et vos proches au bout de huit années passées à l’autre bout du monde ?
Florence Renault : On m’avait prévenue que ce serait bizarre, mais je crois qu’il faut l’avoir vécu pour comprendre ce sentiment d’étrangeté. Cela fait un peu plus d’un mois que je suis rentrée en France, où j’ai visité ma famille éparpillée dans différentes régions, donc ça a été comme un sas avant Orléans. Ma ville a beaucoup changé, je ne m’y attendais pas. En huit ans, beaucoup de travaux de restauration ont été entrepris dans mon quartier, donc je trouve que tout est super beau, grand et moderne. Dans la maison de mes parents, les peintures ont été refaites, certains meubles changés, il y a donc là aussi un gros décalage entre mes souvenirs et ce que je retrouve. Je n’ai donc plus la même familiarité aux choses, c’est particulier. Je trouve les gens en France hyper gentils, plus gentils qu’avant, ce qui est très positif, mais par contre un peu trop accaparés par les débats politiques autour du passe sanitaire et de la gestion du Covid. Je crois que nous sommes les seuls à se prendre autant la tête autour de ces sujets.
Comment passe-t-on d’un voyage prévu pour deux ans à huit ?
F.R. : Je savais déjà que je serais flexible, car l’idée était de prendre le temps nécessaire. Dès le début du voyage, en fait, lorsque j’ai traversé l’Atlantique en voilier-stop et suis arrivée au Brésil, je me suis rendu compte de l’étendue des distances à parcourir en Amérique latine. J’ai compris que ce serait au moins trois ans et de là, chaque année j’ai ajouté un an, sauf en 2020 où je comptais réellement rentrer en juin, mais n’ai pas pu à cause de la pandémie.
« Dans une petite voiture, la proximité se créé comme si on était dans un cocon, les langues se délient »
Pourquoi ce choix du stop ?
F.R. : Pour être honnête, c’est avant tout une question de pragmatisme. Je désirais voyager sans limites de temps, jusque là, je n’étais partie qu’un mois ou deux. Or, ce qui coûte le plus cher lorsqu’on voyage, c’est les transports. Comme je pratiquais depuis longtemps l’autostop en France, je me suis dit que ce serait la bonne façon d’économiser et c’est aussi une bonne excuse pour rencontrer des gens et discuter. J’ai remarqué que dans une petite voiture, la proximité se crée comme si on était dans un cocon, les gens parlent plus librement parce qu’ils savent qu’on ne va pas se revoir. Cela m’a permis de connaître leurs préoccupations, leurs vies et qu’ils me partagent ce qu’ils savaient sur le coin en même temps que nous le traversions.
Enfin, il y avait un argument écologiste : l’autostop, c’est avant tout du covoiturage.
Faire preuve de patience au Kirghizistan
Ce qui est fascinant, c’est que votre pratique du stop ne s’est pas limitée à la voiture. Maintes fois, vous en avez eu besoin pour traverser des océans, des mers, en bateau ou en avion. Comment fait-on pour faire de l’avion-stop ou du bateau-stop ?
F.R. : Pour l’avion-stop, soit je me pointais directement dans les bureaux des compagnies aériennes, soit je leur faisais un mail quand elles n’avaient pas de bureau d’accueil. Je leur demandais, en leur expliquant mon projet : j’ai besoin d’aller à tel endroit, et en principe, j’offre en échange des photos ou une petite vidéo et des publications sur Facebook ou Instagram. En fait, j’ai utilisé mon savoir-faire de JRI pour troquer ces places d’avion.
Ça a l’air très facile, quand vous en parlez. Vous n’avez jamais essuyé de refus ?
F.R. : Ah, mais si, la plupart du temps ! Il faut envoyer des dizaines de mails et taper à des dizaines de portes pour avoir un accord parmi des tas de vents [rires].
Hormis Royal Air Maroc lorsque, à la fin de mon tour du monde, j’ai voulu faire Nigéria-Maroc, ça a toujours été des petites compagnies qui ont accepté. La première fois, c’était en Indonésie, juste pour traverser la mer entre deux petites îles, un vol de quarante-cinq minutes. Il y a eu une deuxième compagnie en Asie, une autre pour relier Tel-Aviv à Nicosie. J’ai vraiment eu de la chance pour Royal Air Maroc, car c’était durant l’épidémie de Covid et ils m’ont juste demandé une story Instagram, ce qui n’était pas difficile.
« Pour relier les États-Unis à la Nouvelle-Zélande en cargo, j’ai envoyé des centaines de mails et, au bout d’un moment, une compagnie allemande a dit oui en échange de photos »
Et pour les bateaux ?
F.R. : J’ai fait du voilier, du cargo, du ferry et même de la pirogue-stop. Quand il s’agissait de petits bateaux, j’allais directement dans les ports pour discuter avec les marins et les capitaineries, qui font fonctionner le bouche-à-oreille. Sauf pour mon voyage de départ, ma traversée de l’Atlantique en voilier qui a pris un mois, où tout s’est organisé grâce à une annonce[…]