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Une apprentie vendeuse dans la boutique éphémère Don't Call Me Jennyfer © Besnard/Apprentis d'Auteuil

Insertion : des jeunes de la Fondation Apprentis d’Auteuil en for­ma­tion tout ter­rain chez Jennyfer

Jusqu’au 9 décembre, la marque de prêt-​à-​porter Don’t Call Me Jennyfer tient une bou­tique éphé­mère avec la Fondation Apprentis d’Auteuil dans le centre com­mer­cial pari­sien, Italie 2, pour for­mer des jeunes peu qualifié·es aux métiers de la vente. Reportage. 

Au troi­sième étage du centre com­mer­cial Italie 2 dans les confins du XIIIe arron­dis­se­ment de Paris, une bou­tique pas comme les autres a ouvert ses portes en octobre. De l’extérieur, rien ne semble pour­tant nous mettre la puce oreille, si ce n’est que ne sont ven­dues ici que d’anciennes col­lec­tions de la marque Jennyfer (rebap­ti­sée Don’t Call Me Jennyfer en 2019) dis­po­nibles jusqu’au 9 décembre seule­ment. Il s’agit d’une bou­tique éphé­mère de la marque de prêt-​à-​porter fran­çaise, implan­tée ici dans le cadre du pro­gramme Skola Vente de la Fondation Apprentis d’Auteuil. Ce pro­gramme, finan­cé par l’État, per­met depuis quatre ans à des jeunes de 18 à 30 ans, peu qualifié·es et éloigné·es de l’emploi, d’accéder à des for­ma­tions courtes, gra­tuites et rému­né­rées dans un envi­ron­ne­ment réel.

Dans la bou­tique Don’t Call Me Jennyfer, ce sont donc dix-​neuf apprenti·es vendeur·euses qui expé­ri­mentent le métier depuis un mois main­te­nant, encadré·es par un·e formateur·trice de la Fondation. Ils·elles s’occupent de l’accueil des client·es bien sûr, mais aus­si du mer­chan­di­sing, du stock, de l’encaissement et de la pro­pre­té du maga­sin. La for­ma­tion pren­dra fin le 9 décembre, juste avant le pas­sage d’un exa­men du titre pro­fes­sion­nel de « ven­deur conseil en maga­sin ». Le diplôme leur per­met­tra d’exercer ensuite le métier de vendeur·euse, pour­quoi pas dans une des bou­tiques du groupe Jennyfer, puisque la marque s’est enga­gée à recru­ter au moins la moi­tié d’entre eux·elles. Ce jeu­di 18 novembre, la direc­trice des res­sources humaines de la marque est d’ailleurs venue visi­ter la bou­tique et ren­con­trer ses futur·es vendeur·euses.

Une for­ma­tion courte 

Aucun·e des apprenti·es vendeur·euses n'a obte­nu son bac, nous pré­cise Stéphane Dubail, le res­pon­sable péda­go­gique de la Fondation d’Auteuil. Ils·elles ont tous·tes été préa­la­ble­ment sélectionné·es par­mi une cen­taine de candidat·es sur « une cer­taine appé­tence pour la vente et le contact humain », pré­cise le res­pon­sable. Le pro­gramme pré­voit une base théo­rique de plu­sieurs heures par semaine mais mise avant tout sur la pra­tique en magasin.

À la ques­tion de savoir si deux mois – à peine – de for­ma­tion sont suf­fi­sants pour entrer dans le monde du tra­vail, Stéphane Dubail est clair : « C’est com­plè­te­ment per­ti­nent, le ter­rain est beau­coup plus for­ma­teur que la théo­rie. » Ils·elles pas­se­ront d’ailleurs en décembre le même exa­men que d’autres per­sonnes qui ont reçu une for­ma­tion plus longue du même type. « En géné­ral, tout le monde l’obtient », indique le res­pon­sable péda­go­gique ajou­tant avec fier­té qu'en 4 années d'existence, le pro­gramme a un taux de 75 % d’insertion par la suite. « La for­ma­tion est un véri­table coup de pouce, elle leur apporte un lien social qui les mène à l’insertion », sou­tient Stéphane Dubail.

« C’était dur au début de reprendre un rythme mais ça fait du bien aus­si de sor­tir de la routine. »

Yanis, appren­ti ven­deur au sein de la boutique. 
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Yanis, 23 ans, tra­vaille comme appren­ti
au sein de la bou­tique éphé­mère. Novembre 2022 ©A.T.

Yanis, 23 ans, rêvait d’être foot­bal­leur pro­fes­sion­nel. Après huit ans en centre de for­ma­tion à Auxerre, une bles­sure le contraint d’abandonner son rêve de gosse. À 18 ans, le jeune homme se retrouve sans diplôme. « Avec le foot, les études étaient deve­nues secon­daires alors après mon arrêt, je ne savais plus ce que je vou­lais faire. J’avais per­du tota­le­ment confiance en moi », raconte Yanis à Causette. Le jeune homme enchaîne tant bien que mal des petits bou­lots comme hôte de caisse ou ser­veur mais sans diplôme et sans expé­rience, il essuie aus­si beau­coup de refus. « Je suis car­ré­ment tom­bé en dépres­sion à ce moment-​là, je me levais hyper tard, je ne fai­sais rien de mes jour­nées », raconte-t-il.

Tout change il y a deux mois, lorsqu’il reçoit un mail de pôle emploi l’informant de l’ouverture des can­di­da­tures pour le pro­gramme Skola. « J’ai ten­té ma chance et j’ai été sélec­tion­né », lance-​t-​il avec fier­té. Aujourd’hui, le jeune homme dit prendre plai­sir à tra­vailler au sein de la bou­tique. « C’était dur au début de reprendre un rythme mais ça fait du bien aus­si de sor­tir de la rou­tine », sou­ligne Yanis. Pour cette courte for­ma­tion, le futur ven­deur est rému­né­ré 600 euros par Pôle emploi. Pour l’heure, ce qu’il pré­fère, c’est l’accompagnement des clientes. « C’est dingue, on com­mence même à avoir des habi­tuées », lance-​t-​il. Depuis l’ouverture, la bou­tique éphé­mère a fait 13 000 euros de chiffre de vente, pré­cise d’ailleurs Stéphane Dubail. Une belle somme qui montre pour lui, que le concept marche. 

Gérer les pro­blé­ma­tiques des jeunes 

Comme Yanis, d’autres vendeur·euses de la bou­tique vivent des situa­tions per­son­nelles com­pli­quées, voire très dif­fi­ciles, dans les­quelles la Fondation d’Auteuil a le rôle de les accom­pa­gner au mieux durant les deux mois de for­ma­tion. Pour la bou­tique Jennyfer du centre com­mer­cial Italie 2, c’est Maïté, conseillère Emploi-​Formation-​Réinsertion au sein de la Fondation, qui tient ce rôle. Elle est pré­sente les mar­di et mer­cre­di où elle reçoit à l’arrière de la bou­tique les jeunes pour faire le point indi­vi­duel­le­ment. « Je suis char­gée de créer un lien avec eux, résume-​t-​elle en sou­riant. Pour l’instant, c’est plu­tôt réus­si. » Maïté gère aus­si les sou­cis qu’ils·elles ren­contrent : de l’aide pour mon­ter un dos­sier de demande de loge­ment social pour l’une ou une oreille atten­tive pour l’un, son appui s’adapte aux jeunes. « Certains vivent des grosses pro­blé­ma­tiques, n’ont pas les res­sources suf­fi­santes pour quit­ter le domi­cile fami­lial alors qu’ils y vivent des vio­lences intra­fa­mi­liales, pointe-​t-​elle. D’autres n’ont même pas de loge­ment fixe, c'est un frein pour accé­der à l’emploi, qu’il faut résoudre d’ici l’examen. »

Selon la conseillère de la Fondation, la majo­ri­té de ces jeunes res­sent de la « colère », vis-​à-​vis des ins­ti­tu­tions et de la socié­té. « Ils se sentent par­fois aban­don­nés par le sys­tème et ont besoin de se déchar­ger, c’est impor­tant qu’ils puissent par­ler à quelqu’un de confiance », sou­ligne Maïté. Parfois, il y a des ratés, comme avec cette jeune fille qui ne donne plus de signe de vie. « Depuis le début, elle arrive en retard mais on ne la lâche pas, on l’appelle le matin. Mais là, ça fait plus d’une semaine qu’on n’a pas de nou­velles, c’est frus­trant mais on ne pour­ra pas l’inscrire à l’examen, elle a raté trop de cours », déplore la conseillère.

Sortir avec une pos­ture professionnelle 

Si le cas de cette jeune fille illustre bien que ce pro­gramme d'accompagnement n'est pas infaillible, Charlie Pourret, le for­ma­teur en inser­tion pro­fes­sion­nelle de la Fondation, se veut ras­su­rant pour le reste des troupes : « À l’heure où je vous parle, les deux tiers sont d’ores-et-déjà diplô­mables et sor­ti­ront d’ici avec une véri­table pos­ture pro­fes­sion­nelle », nous dit-il.

Cécilia Roussel, direc­trice des res­sources humaines du groupe Jennyfer, est tout aus­si confiante : « L’objectif, c’est de leur pro­po­ser le maxi­mum d’embauches à la fin. » C’est la pre­mière fois que l’entreprise par­ti­cipe à ce genre d’initiatives d'inclusion. « On renou­vel­le­ra l’expérience, les jeunes sont l’avenir de la vente, souligne-​t-​elle auprès de Causette. Il ne faut pas oublier qu’il y a de grosses pers­pec­tives d’évolution dans la boîte. » Qui sait, Yanis ou ses col­lègues apprenti·es vendeur·euses aujourd’hui, seront peut-​être les futur·es manageur·es de demain ? À voir l'accueil qu’ils·elles réservent à chaque nou­velle cliente, le défi sera pour sûr rele­vé haut la main. 

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