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Entreprises : le pre­mier congé pour fausse couche débarque en France

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© Jonathan Sanchez

Depuis le 1er mai, l’entreprise de conseil des enseignes de retail, Critizr, a ins­tau­ré un congé pour fausse couche pour toutes ses sala­riées ain­si que leur conjoint·e. Un octroi de cinq jours de repos encore jamais vu en France, pour en recon­naître le carac­tère spé­ci­fique de la souf­france vécue. 

C’est une pre­mière : une entre­prise fran­çaise a accor­dé à toutes ses femmes sala­riées un congé en cas d’arrêt natu­rel de gros­sesse, à par­tir du 1er mai. Au total, cinq jours de repos sont octroyés par Critizr aux femmes concer­nées, mais aus­si deux jours pour le ou la conjoint·e. En com­plé­ment, le spé­cia­liste de la ges­tion des inter­ac­tions clients a éga­le­ment mis en place un congé mens­truel pour les règles dou­lou­reuses et les per­sonnes vic­times d’endométriose. Dans ce cas, un jour men­suel de congé, voire deux, peuvent être alloués. 

Le congé pour fausse couche, une mesure pion­nière attri­buée aux 100 employé·es de Critizr dans toutes ses filiales (France, Espagne, Japon, Royaume-​Uni et Pays-​Bas), dont se féli­cite le DRH Xavier Molinié, à l’origine de l’initiative. « C’est une grande avan­cée pour nous et pour toutes les employées de l’entreprise », se réjouit-​il auprès de Causette. L’idée de ce congé a rapi­de­ment mûri entre le DRH et le cofon­da­teur de l’entreprise, Nicolas Hammer, en mars der­nier. Voyant que les fausses couches concernent 15% des gros­sesses, Xavier Molinié a creu­sé le sujet : « Je me suis ren­du compte que pour les femmes qui subissent une fausse couche avant 22 semaines de gros­sesse, au niveau de l’entreprise, on consi­dère qu’il ne s’est rien pas­sé. C’est pour­tant un moment extrê­me­ment dif­fi­cile phy­si­que­ment, et sur­tout psy­cho­lo­gi­que­ment. Le décès d’un proche est pris en compte dans les conven­tions col­lec­tives, alors pour­quoi ne pas y ajou­ter ce deuil là ? » 

Jusqu’à pré­sent, les femmes se trou­vant dans cette situa­tion devaient en effet se mettre en arrêt mala­die. Or, le cadre de Critizr s’aperçoit que très peu d’autres pays se sont empa­rés du pro­blème pour recon­naître la par­ti­cu­la­ri­té de la souf­france que pro­voque une fausse couche ou un enfant mort-​né. À l’heure actuelle, seuls le Québec pro­pose un congé non rému­né­ré pour fausse couche, ain­si que la Nouvelle-​Zélande, pré­cur­seure, qui octroie trois jours de congé payés depuis mars 2021 aux sala­riées concernées. 

Reconnaître la douleur

En deux mois, la direc­tion de Critizr a réus­si à convaincre toutes les par­ties pre­nantes, avec un objec­tif en tête : faire en sorte que la dou­leur, phy­sique et men­tale, ne soit pas un frein à la réus­site pro­fes­sion­nelle. « Je suis DRH, mon but est avant tout de m’assurer que les sala­riés ont du plai­sir au tra­vail, et que leur vie est ren­due plus facile logis­ti­que­ment », explique Xavier Molinié. C’est une souf­france très par­ti­cu­lière qu’on se devait de consi­dé­rer, de recon­naître, et de nom­mer. » Pourtant, pour lui, cette mesure n’a pas été une consi­dé­ra­tion exclu­si­ve­ment basée sur le genre mais sim­ple­ment sur la façon d’apaiser au mieux l’affliction causée. 

Dans la pra­tique, l'initiative repose sur la confiance de ses employé·es pour ne pas les gêner dans leur vie pri­vée : pas besoin de pré­sen­ter un cer­ti­fi­cat médi­cal ou de deman­der une auto­ri­sa­tion, un simple mail aler­tant l’entreprise de sa période d’absence suf­fit. « On y gagne for­cé­ment. Parce que même s’il peut y avoir des abus de confiance qu’on ne pour­ra pas véri­fier, les gains en termes de bien-​être et de satis­fac­tion de nos col­la­bo­ra­trices seront bien plus impor­tants sur le long terme, et ça ne peut être qu’un plus pour l’entreprise », sou­ligne le DRH. Pour l’annoncer au per­son­nel de Critizr, la direc­tion a inau­gu­ré la mise en place des deux congés par visio­con­fé­rence. Et la nou­velle a été très bien accueillie. « On a sen­ti le sou­la­ge­ment de beau­coup de per­sonnes, de savoir qu’ils et elles ne seraient pas péna­li­sées dans le futur si une de ces situa­tions devait leur arri­ver. » 

Malgré tout, depuis leur ins­tau­ra­tion en mai, aucun·e employé·e n’a encore fait la demande d’un congé mens­truel ou d’un congé pour fausse couche auprès de l’entreprise. 

Une évo­lu­tion à l’image de celle de la société

Pour Xavier Molinié, ces deux congés « étaient une néces­si­té ». Une manière de s’inscrire dans l’évolution natu­relle des mœurs. « J’espère bien évi­dem­ment que cette ini­tia­tive ouvri­ra la voie à d’autres entre­prises fran­çaises. Je pense qu’une entre­prise doit reflé­ter une socié­té dans son ensemble et les pré­oc­cu­pa­tions qui la tra­versent. » Simplement une ques­tion de moti­va­tion, de dis­cus­sion et de négo­cia­tions, pas à pas. 

Si Critizr est pour l’heure pré­cur­seure sur le sujet, un pro­jet de loi a déjà été dépo­sé par la dépu­té éco­lo­giste et indé­pen­dante Paula Forteza, fin mars de cette année. Elle y pré­voit trois jours de congé pour chaque femme subis­sant une fausse couche, ain­si que pour le ou la conjoint·e afin qu’iel puisse se sen­tir concerné·e. Une pro­po­si­tion de loi que la dépu­tée lègue à ses suc­ces­seurs, en espé­rant qu’elle soit exa­mi­née par la pro­chaine législature. 

Lire aus­si : Fausse-​couche : une pro­po­si­tion de loi pour créer un congé pour la femme et son ou sa conjoint·e

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