D’ de Kabal, le labo­ran­tin du masculin

Slameur, musi­cien, acteur, écri­vain et 43 ans au comp­teur, D’ de Kabal devrait se bala­der avec un pan­neau « atten­tion, chutes de mots », pour signa­ler ses idéaux constam­ment en tra­vaux. Après avoir repé­ré les chro­niques du Dr Kpote dans Causette, D’ m’a contac­té pour évo­quer ses « labo­ra­toires de décons­truc­tion et de redé­fi­ni­tion du mas­cu­lin par l’art et le sen­sible ». Un inti­tu­lé à la Dali sur un sujet qui n’a rien de surréaliste.

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© Guillaume Belvèze pour Causette

Il suf­fit de lire les com­men­taires sur les fils d’actu fémi­nistes pour consta­ter que nombre de mecs se rai­dissent face aux nou­veaux enjeux éga­li­taires. Au regard de nos enga­ge­ments res­pec­tifs, D’ et moi ne pou­vions qu’être d’accord pour acter l’urgence de s’interroger sur la condi­tion mas­cu­line. Son idée de labo­ra­toire de décons­truc­tion tom­bait donc à pic. Aussi, un an après nos pre­miers échanges, quand il m’a convié au débrief de celui-​ci, sur ses terres, à Bobigny (Seine-​Saint-​Denis), j’étais curieux de ren­con­trer ces pion­niers d’un « autre masculin ». 

Dans un stu­dio d’enregistrement, nous étions une bonne ving­taine, hommes et femmes ayant tous des affi­ni­tés diverses et variées avec D’, assis en cercles concen­triques, à avoir bra­vé la cani­cule de juillet. Après un slam d’accueil, D’ s’est ins­tal­lé aux machines pour orches­trer les mots à venir. Six ou sept hommes, tous qua­dras, ont ensuite trans­mis au groupe, à tour de rôle, leurs fêlures héri­tées de la trans­mis­sion patriar­cale. Plus ou moins à l’aise avec l’écriture, selon leur cur­sus, ils ont tous fait état, avec beau­coup de sin­cé­ri­té, d’une mas­cu­li­ni­té pesante. Celle-​ci a pris, tour à tour, les visages de pères vio­lents et sans conces­sions, les regards pleins de pré­ju­gés por­tés sur les musul­mans de ban­lieue, assi­gnés « machos », ou les rides d’expression bar­rant le front d’un mec s’interrogeant sur le bon équi­libre de son couple. Plus sur­pre­nant, un jeune homme aux allures de Sam Cooke 1 nous a par­lé de son orien­ta­tion pro­fes­sion­nelle dans le por­no, en rup­ture totale avec les idéaux de son pas­teur de père, et de cette révé­la­tion que le mas­cu­lin a tout à gagner à s’affranchir du géni­tal. Tous ont fait part de leur quête d’une mas­cu­li­ni­té plus en accord avec leurs vraies sen­si­bi­li­tés, dédoua­née des injonc­tions de la socié­té, et, puisqu’on parle de labo­ra­toire, l’alchimie a vrai­ment opé­ré. Dans le public, une femme qui avait vécu les groupes de parole non mixtes des années 1970 a cha­leu­reu­se­ment invi­té tous ces hommes à faire per­du­rer cette nou­velle réflexion autour de leur condi­tion. J’ai sen­ti que D’ était ras­su­ré sur la véri­table uti­li­té de ce tra­vail amorcé.

Préparer la riposte

D’ vient du groupe de rap Kabal, qui a tour­né avec Assassin au milieu des années 1990. Il est né à Paris, mais s’est enra­ci­né à Bobigny depuis qua­rante ans. Son pseu­do, D’ – qui s’écrit D prime, mais se pro­nonce D –, fait réfé­rence aux dés à six faces, illus­trant son impré­vi­si­bi­li­té artis­tique et ses mul­tiples facettes. Mais D’ de Kabal, c’est sur­tout une voix. Quand il déclame, il prend un timbre gut­tu­ral, un rien métal­lique, s’accordant à mer­veille avec ses textes au scal­pel, dans les­quels il décrit la ghet­toï­sa­tion des quar­tiers, ou condamne les maux d’une socié­té à deux vitesses, sans jamais tom­ber dans la faci­li­té vul­gaire du rap mains­tream. Au pre­mier abord, le mec impose son[…]

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