Pour les dix ans de Causette, René Frydman a accepté de nous écrire depuis le turfu, tel qu’il l’imagine. Bienvenue en 2029.
Chère Causette,
Quand je pense à toutes les difficultés que nous avons eues pour que les femmes puissent exercer leur désir d’enfant, à la fois dans une plus grande autonomie et dans une plus grande liberté de choix, je me dis qu’on a fait un sacré chemin…
Un chemin qui a commencé bien avant ta naissance, tu sais. Les batailles pour l’accès à la contraception, pour le droit à l’IVG, le recours à la fécondation in vitro ont montré qu’il fallait ouvrir un champ du possible : vouloir ou ne pas vouloir un enfant à un moment précis de sa vie. Et puis nous avons assisté à des blocages très particuliers, en France. Notamment celui de l’interdiction pour une femme de congeler ses propres ovocytes, afin qu’elle puisse reporter la date de sa grossesse potentielle à plus tard, tout en conservant son potentiel de fécondité. Car nous le savons, l’âge est un facteur redoutable et, dès l’approche des 40 ans, il diminue fortement le projet de fertilité.
Voilà, c’est aujourd’hui fait ! Le principe est acquis. L’autoconservation des ovocytes est devenue un droit. Cela ne veut pas dire que c’est la panacée, ni que cela marche à tous les coups ou qu’il faut n’envisager que des maternités tardives. Mais au moins, la femme se trouve à l’égal de l’homme, qui a toujours pu conserver son sperme sur indication médicale. Il était temps de trouver cet équilibre. Ces combats auxquels tu as participé s’oublient avec les temps. C’est pourquoi je me suis permis de t’écrire pour ton anniversaire. Pour que ce mouvement d’opinion reste inscrit dans le réel.
Je te fais pas la bise, c’est has been en 2029.
René Frydman est gynécologue-obstétricien spécialiste de la reproduction et de la PMA. Il est à l’origine du premier bébé-éprouvette.