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Protection de l'enfance : « Face à la pro­li­fé­ra­tion légis­la­tive, les tra­vailleurs sociaux évoquent une perte de sens de leur mission »

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© Chinh Le Duc

Elsa Costa-​Attal est avo­cate au Barreau de Paris depuis 2017. Elle exerce prin­ci­pa­le­ment en droit des per­sonnes, de la famille et des mineur·es et enseigne éga­le­ment ces matières dans dif­fé­rentes facul­tés de droit. Collaboratrice régu­lière de Causette.fr, l'avocate nous parle aujourd'hui de la pro­tec­tion de l'enfance.

Ce 20 novembre, c'est la jour­née inter­na­tio­nale des droits de l’Enfant. Charlotte Caubel, Secrétaire d’Etat auprès de la Première ministre, char­gée de l’Enfance, a lan­cé une semaine de mobi­li­sa­tion gou­ver­ne­men­tale dédiée aux droits de l’enfant. L’occasion d’aborder cer­taines thé­ma­tiques prio­ri­taires en matière de pro­tec­tion des enfants.

Car en effet, force est mal­heu­reu­se­ment de consta­ter que l’actualité de ces der­nières semaines a été riche­ment nour­rie de sujets rela­tifs à la pro­tec­tion de l’enfance. D’abord le 16 octobre der­nier, un repor­tage dif­fu­sé sur M6 dans l’émission Zone Interdite poin­tait de nom­breux dys­fonc­tion­ne­ments en matière de pro­tec­tion de l’enfance et des situa­tions extrê­me­ment pré­oc­cu­pantes pour cer­tains mineurs confiés à l’Aide Sociale à l’Enfance (ASE).

Ensuite, le 3 novembre der­nier, c’est la Cour Européenne des Droits de l’Homme (CEDH) qui a sanc­tion­né la France pour avoir failli à son devoir de pro­tec­tion envers une ancienne mineure pla­cée. Dans cet arrêt remar­qué, la CEDH a consta­té la res­pon­sa­bi­li­té de l’Etat pour des abus sexuels et des atteintes à la liber­té
reli­gieuse d’une mineure pla­cée de ses 5 ans à ses 20 ans, dans une famille d’accueil, en Tarn-​et-​Garonne. Ici, la carence de l’Etat était liée à des défaillances dans la mise en œuvre des mesures et méca­nismes de détec­tion et de pré­ven­tion. Ce qui se tra­dui­sait concrè­te­ment par l’absence de visite pen­dant cinq ans, des rap­ports peu détaillés et non per­son­na­li­sés ou encore l’ignorance de l’ASE quant à l’appartenance de la famille d’accueil aux témoins de Jéhovah.

Enfin le 15 novembre der­nier, c’est la Défenseure des droits Claire Hédon, qui a déci­dé de se sai­sir d’office en rai­son de la situa­tion alar­mante de la pro­tec­tion de l’enfance dans les dépar­te­ments du Nord et de la Somme. Et on le com­prend aisé­ment : manque de places en foyers, pla­ce­ments non exé­cu­tés ou encore lon­gueurs exces­sives dans l’application de mesures d’assistance édu­ca­tive en milieu ouvert ; ce sont les pro­blé­ma­tiques quo­ti­diennes dans ces départements.

Lire aus­si : Violences faites aux enfants : les Français·es doivent prendre le réflexe d’appeler le 119

Comment expli­quer la mul­ti­pli­ca­tion de ces mises en dan­ger ? Cela peut sem­bler d’autant plus para­doxal que depuis 2007, ce ne sont pas moins de trois lois dif­fé­rentes qui ont été pro­mul­guées visant à réfor­mer la pro­tec­tion de l’enfance.
Mais fina­le­ment de cette pro­li­fé­ra­tion légis­la­tive res­sort une com­plexi­té d’utilisation pour les tra­vailleurs sociaux qui évoquent une perte de sens de leur mis­sion et déplorent une absence de réflexion natio­nale et locale quant à l’application de ces textes sur le terrain.

Pour y remé­dier, des pro­po­si­tions semblent avoir été avan­cées par la récente loi du 7 février 2022. Un meilleur pilo­tage de la pro­tec­tion de l’enfance avec l’affirmation d’une « com­pé­tence par­ta­gée » entre l’Etat et les dépar­te­ments ou l’instauration d’un nou­veau Groupement d’intérêt public « France enfance pro­té­gée », par exemple. A éga­le­ment été annon­cé le ren­for­ce­ment des contrôles des éta­blis­se­ments et des services.

Mais les illus­tra­tions du décloi­son­ne­ment espé­ré et de la col­la­bo­ra­tion des dif­fé­rents orga­nismes visant à mieux pro­té­ger les mineurs demeurent encore peu visibles. Reste alors à savoir si ces méca­nismes suf­fi­ront à garan­tir une réelle amé­lio­ra­tion de la Protection de l’enfance, matière dont le Président de la République a fait l’enjeu majeur de son quinquennat.

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Elsa Costa-​Attal
Engagée, l'avocate est très impli­quée dans le res­pect du Droit des femmes, la lutte contre les vio­lences conju­gales et auprès des mineurs en dif­fi­cul­té. Elle est éga­le­ment membre de l'Antenne des Mineurs du Barreau de Paris, où elle assiste et repré­sente les mineurs devant toutes les juridictions. 

Lire aus­si, d'Elsa Costa-​Attal l Droit de la famille l Le poly­amour : et les enfants dans tout ça ?

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