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« LTR », mon phare dans la nuit sur Tinder

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(©Anna Cuxac)

Depuis que j'ai réinstallé Tinder, je tombe de plus en plus sur des profils indiquant dans leur bio rechercher des « LTR », des relations longues. Est-on en train de passer de l'ère du coup d'un soir à celle des câlins longues durées sur les applications de rencontre ?

En une froide nuit d'automne, à quelques heures de me coucher, je swipe frénétiquement sur Tinder. Je viens de résintaller l'application après plusieurs mois de pause, lassé par des discussions sans lendemain et des rendez-vous décevants. Sur l'ensemble des profils qui s'affichent devant mes yeux fatigués, plus de la moitié possède l'intrigante mention « LTR » dans leur bio. Trois lettres qui me sont totalement étrangères. Une rapide recherche sur internet m'informe qu'il s'agit de l'acronyme de « Long-term relationship » (« Relation longue », en français), soit le moyen pour les utilisateur·rices d'afficher leur préférence pour des plans sur le long terme, plutôt que pour des coups d'un soir.

« La complexité des relations modernes »

Avant mon départ de l'application, je n'avais pas aperçu une seule fois l'expression « LTR » sur les nombreux profils de garçons que je consultais régulièrement. J'avais, d'ailleurs, plutôt l'impression de voir une majorité de personnes cherchant le contraire. Si cette expression semble être utilisée depuis plusieurs années dans le monde anglophone, selon les médias et forums que j'ai pu consulter, son arrivée semble récente en France, même si elle est impossible à dater. Théo1, un homme gay de 31 ans, a écrit « LTR » dans sa bio Tinder l'été dernier. « J'ai commencé à croiser cette mention depuis que je me suis remis sur l'application, au début de l'année 2022. Je ne la connaissais pas non plus et j'ai aussi checké ce qu'elle voulait dire. Environ la moitié des profils que je vois aujourd'hui l'écrivent », me précise-t-il.

Théo fréquente depuis huit mois un garçon dont il est amoureux, mais avec qui il n'est pas en couple. Une situation qui lui est « un peu imposée ». Le trentenaire le voit trois fois par semaine en moyenne. Le reste du temps, il est libre de faire ce qu'il souhaite. « Bref, ça m'arrive d'aller sur Tinder », résume-t-il avec humour. S'il cherche une relation longue, « cela ne se fait pas en un claquement de doigts ». Il faut prendre le temps de rencontrer la personne et de la connaître. Ce qui n'est pas forcément facile lorsqu'on voit et aime quelqu'un d'autre... « La complexité des relations modernes... Dans l’idéal, un jour, j’aimerais construire quelque chose avec un mec, que ce soit libre ou exclusif. Cela se négocie », explique le jeune homme. S'il préfère les rencontres dans la vraie vie et n'apprécie pas le côté « capitaliste » de Tinder, cette nouvelle expression a le mérite d'afficher ses préférences, qui restent évidemment théoriques : « En pratique, tu ne peux pas t’engager dans une LTR dès le premier rendez-vous, l’amour, ça ne se planifie pas. »

Une mention utile ?

Clémentine1, 26 ans, qui se décrit comme « écoeurée » par les applications de rencontre, s'est récemment désinscrite de Tinder. Elle n'y a jamais vu la mention « LTR », mais estime qu'elle peut, éventuellement, constituer « un plus » pour indiquer ce que l'on recherche. « Il faudrait aussi pouvoir filtrer les profils qui ont mis cela », souligne-t-elle très justement, l'application ne le permettant encore pas.

Tiphaine, 39 ans, n'a également jamais rencontré de personnes ayant annoncé qu'elles souhaitaient une relation longue sur les nombreux sites de rencontre qu'elle fréquente. Si, sur certains d'entre eux, elle a pu cocher une case indiquant qu'elle recherchait « une relation sérieuse », la trentenaire se demande si cela ne peut cependant pas lui fermer des portes : « Finalement, une rencontre brève pourrait déboucher sur une belle rencontre qui dure. » Pour elle, ces trois lettres démontrent que l'on communique de plus en plus « par sigle », ce qu'elle apprécie peu. « Est-ce trop dur de s'exprimer avec de vrais mots ? De verbaliser clairement ce qu'on veut ? », interroge-t-elle.

La fonctionnalité « Explorer »

Il est impossible de savoir si ces trois lettres n'apparaissent pour l'instant que dans le Tinder gay français, le nombre de personnes les écrivant dans leur bio et pourquoi on tombe sur ces profils plutôt que d'autres. J'avoue ne pas avoir pris la peine de contacter Tinder, le mystérieux jeu des algorithmes jouant forcément là-dedans. Car si j'en ai énormément croisé en une soirée, c'est le quasi-désert depuis. Alors que je recherche plutôt quelque chose de durable qu'un coup de soir. Entre le moment où j'ai arrêté et repris Tinder, j'ai également vieilli d'un an et décalé l'âge des hommes que je recherche. Tous ceux qui affichent « LTR » ont plus de 30 ans. L'âge joue-t-il quelque part ? Dans ses réglages, Tinder me permet d'afficher mon signe astrologique, ma boisson préférée ou si je suis fumeur ou non. Mais il n'existe aucun bouton pour indiquer quel type de relation l'on souhaite, directement sur son profil.

L'application a cependant lancé à l'automne 2021 un nouvel onglet intitulé « Explorer ». Il permet de parcourir des profils selon des caractéristiques précises, comme le fait d'attendre l'amour, d'être dispo le soir même ou de vouloir se faire des ami·es. Après avoir swipé plusieurs dizaines de profils dans la catégorie « Cherche l'amour », je n'ai d'un coup plus eu un seul garçon disponible. Tinder m'a alors proposé de rejoindre le groupe des coups d'un soir. Soit l'opposé de ce que je recherchais. Cette fonctionnalité « Explorer », originale et qui a le mérite d'exister, semble atteindre ses limites quand on désire plus qu'un coup de soir. Parce que Tinder n'est finalement pas le lieu pour les relations ++ ? Parce que ses utilisateur·trices ne connaissent pas le nouvel onglet « Explorer » ? Aucune idée. Ce que je sais, c'est que j'inscris dès ce soir la mention LTR dans ma bio.

  1. le prénom a été changé[][]
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