Longtemps décriée, la colère s’incarne aujourd’hui en de nouvelles figures : des Gilets jaunes aux féministes en passant par les soignant·es ou les jeunes pour le climat, ses excès sont-ils mieux acceptés ? Deux vibrants essais rendent ce mois-ci hommage à ce noble courroux.
Comme une envie de tout cramer. Si l’époque devait se résumer en un émoji, ce serait sans doute l’icône inspirée du Cri de Munch. Ou peut-être une bombe. Dresser la liste des raisons de nos colères contemporaines donne le vertige. Hôpital à bout de souffle, montée des extrêmes, réchauffement climatique, féminicides, Covid… En octobre 2021, 30 % d’entre nous n’hésitaient pas à se définir, d’abord et avant tout, « en colère » ou carrément « révoltés » selon l’enquête électorale 2022 de la Fondation Jean-Jaurès.
S’il existe depuis longtemps des « anger rooms » qui offrent la possibilité, moyennant quelques deniers, de se défouler en détruisant une pièce meublée et prévue à cet effet, cette année, aux États-Unis, des mères épuisées par le Covid et par la charge mentale ont organisé des réunions permettant de vociférer en groupe, appelées « Mom screams ». « La colère n’est plus réservée à des factions ou à un groupuscule qui s’énerve et que l’on pointerait du doigt. Tout le monde est concerné, c’est devenu inévitable », affirme Taous Merakchi, autrice de l’ouvrage Vénère. Être une femme en colère dans un monde d’hommes, publié en même temps que Le Visage de nos colères, de la philosophe Sophie Galabru. Deux essais qui revalorisent cet élan trop souvent décrié.
« La colère n’est plus réservée à des factions. Tout le monde est concerné, c’est devenu inévitable. »
Taous Merakchi, autrice de l’ouvrage[…]