Dieu que la traversée est longue ! Plus d’un an déjà que nos vies sont confinées, rétrécies, ternies. Quand elles ne sont pas meurtries.
Alors chez Causette, on s’est retroussé les manches pour participer, à notre niveau, à l’effort collectif, pour vous redonner goût à la vie et confiance en l’avenir (oui, c’est aussi notre slogan pour 2022).
Nous avons tendu notre micro virtuel à des artistes, écrivain·es, cinéastes, humoristes et autres trublions sachant savourer les petits riens de l’existence et sublimer le quotidien afin qu’ils et elles nous livrent leurs astuces pour refaire scintiller nos vies.
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Sophie Fontanel, journaliste
Son compte Instagram est un concentré de bonne humeur. Journaliste, influenceuse et écrivaine sans filtre, elle a plus d’une corde à son arc.
« La douceur fait que je peux m’émerveiller. Le bonheur ne peut pas se défaire d’une part d’indulgence. Indulgence envers les autres et envers soi-même. L’autre jour, j’avais un rendez-vous dans Paris. Eh bien, dans la rue, l’architecture des fenêtres était tellement belle que j’ai osé le décaler pour m’accorder trois quarts d’heure de flânerie, en essayant de me souvenir du temps où j’étudiais…
Pour être heureuse, aussi, je range. Faire le tri, c’est se libérer des strates de nous que nous avons entassées et qui ne sont plus nous. Je “range” aussi ma journée. En particulier, les moments où je touche au téléphone. Ils sont remplacés par la littérature. Je la garde à portée de main. Il y a le Journal de Delacroix à côté de mon lit. Je travaille beaucoup le dimanche pour avoir le sentiment d’avoir volé le lundi à l’ordre du temps. Et à 18 heures, j’imagine qu’une porte s’ouvre. Un temps à moi. Je mets une sublime robe un peu longue, je suis pieds nus et je fais comme si j’étais en terrasse. Je dresse la table, avec de la très jolie vaisselle genre coquetiers en argent trouvés sur Le Bon Coin.
Quand j’ai un énorme coup de mou, j’achète des fleurs – des anémones, un truc pas cher, mais royal –, je mets le corps au repos et je me lis des Agatha Christie. Quand le cerveau trouve ce qui ne va pas dans le roman en dénouant l’intrigue, je trouve ce qui ne va pas en moi. Il y a aussi les Notes de chevet, de Sei Shonagon. Elle vivait au Japon au Xe siècle et faisait des listes de tout ce qu’elle remarquait. Du type “choses qu’on ne peut pas regarder deux fois sans pouffer de rire”. Ces listes qui viennent d’un passé si lointain aident à relativiser notre époque.
Changer ses draps, enfin. Ça coûte rien ! Et un drap de lit blanc c’est sensationnel ! »
Sébastien Tellier, musicien
Le musicien le plus barré de France a sorti, début 2020, Domesticated : un album très paillettes-Covid pour s’émerveiller de la « vie domestique ».
« On a beau tordre la réflexion dans tous les sens, ce dont on a besoin en ce moment, c’est d’amour. Aimer et être aimé. Ça passe par des petites attentions : offrir un jouet, des cartes Pokémon à ses enfants. Entre adultes, tenter d’obtenir du glamour. Mettre un peu de Marvin Gaye ou de Snoop Dogg – il a un côté hyper sensuel que j’aime bien. En dehors de l’amour, la drogue et l’alcool peuvent beaucoup de choses : un peu de boisson, pas de réflexion et la joie peut naître !
Il y a aussi des vérités dans des trucs archi quotidiens. En réfléchissant à la vie domestique, j’ai commencé à trouver le liquide vaisselle beau. À un moment, j’en avais un jaune fluo bien épais. Cette transparence colorée… Il me faisait rêver, comme les yoyos fluos de quand j’étais petit. Dans la salle de bains aussi, les jolis flacons remplis de jolis liquides. On peut prendre un plaisir fou à admirer tout ça. À constater que son salon est bien rangé, puis s’allonger sur son canap.
Descendre un paquet de Pim’s. Penser à des choses plus grandes. Quand le robot s’est posé sur Mars [la sonde Perseverance, le 18 février, ndlr], j’ai passé une super soirée. Réfléchir au cosmos, réaliser que l’univers continue de grandir, qu’il y a des trous noirs… Ça crée un espace de noblesse dans l’esprit, même si on est frivoles par ailleurs.
Pour fonder un monde post-Covid plus heureux, plusieurs propositions pour terminer : que les Daft Punk se reforment. Que le Club Med soit gratuit. Les campings aussi. Les sucreries et le chocolat aussi. Et qu’on arrête enfin d’être pressés. »
Mardi noir, psy youtubeuse
Qui de mieux que Madame « Psychanalyse-toi la face » sur YouTube pour nous aider à comprendre la période que l’on traverse ? Elle vient de sortir un livre, Êtes-vous bien sûr d’être normal ? (éd. Flammarion), qui parle du poids des conventions. Idéal en ces temps où tout semble cul par-dessus tête.
« Ça me fait marrer de penser aux paillettes parce que je suis au bout de ma vie depuis des mois ! En ce moment, je trouve mon bonheur dans la transgression des interdits et le contournement des règles. Aller chez une pote le vendredi juste avant 18 heures et y rester tout le week-end. Et dans le “click and collect” de petits plats des restos du quartier aussi ! Même si je préférerais largement consommer sur place. La bouffe a quand même pris une place centrale ces derniers mois. Fini le houmous en barquette, maintenant, on prépare des bons petits plats quand on se retrouve entre potes. Quand je suis seule, je ne lésine pas sur les saveurs non plus. À défaut de pouvoir s’embrasser, misons sur les plaisirs de la bouche.
Je m’achète aussi plein de fleurs, comme des orchidées un peu étranges et vénéneuses, pour habiller mon intérieur. Je suis une grosse fêtarde en temps normal : j’avais l’habitude de sortir un soir sur deux. Au premier confinement, j’y allais franco sur le mauvais rouge de Franprix et je me suis un peu fait peur. J’ai remplacé par un grand bol de Ricoré au lait devant la télé. Figurez-vous que ça me fait beaucoup de bien ce truc, ça me calme. Je bois toujours de l’alcool, mais je me concentre sur la qualité, en gros, ce que j’achète chez mon caviste. Les petits commerces, c’est vraiment mon refuge. Je peux y rester un long moment pour taper la discute. Je sais plein de trucs sur la gestion des stocks, les aides… Dès que je sens qu’il y a une ouverture pour papoter, pour râler ensemble ou pour se souhaiter bon courage, je fonce. »
David Foenkinos, romancier
Romancier, Goncourt des lycéens 2014, il a publié, en 2020, un roman sur l’ennui (La Famille Martin, éd. Gallimard). Il sait donc forcément comment le tuer !
« Une seule phrase pour le moment pour mettre des paillettes : se désabonner de Netflix. Ou alors voyager n’importe où, prendre n’importe quel train.[…]