
Valérie Niquet a plusieurs surnoms accrochés à sa queue-de-pie. « Crieuse publique de la Croix-Rousse », « Mon général », « La dame au képi »… Deux fois par mois, le dimanche matin, cette comédienne-chanteuse déserte les planches pour le bitume du IVe arrondissement de Lyon et déclame messages de fraternité, d’indignation ou mots doux écrits par les gens du coin.
Elle envoie valser ses talons. Mégaphone bleu accroché à la main, elle grimpe sur le siège passager de la Dyane décapotable couleur crème, louée pour l’occasion. Derrière le volant, Fred, le proprio de la belle Citroën, n’a plus qu’à s’exécuter : « À droite, plus à gauche, recule un peu, plus vite, arrête-toi là, c’est bien ! » Képi vissé sur le crâne, queue-de-pie soignée et robe noire à boutons dorés, la crieuse alpague la rue et bat le rappel. « Bonjour mesdames, bonjour messieurs. Rendez-vous à 11 heures place des Tapis pour la criée publique des messages. Venez avec votre bonne humeur », s’égosille Valérie Niquet, des terrasses de café au marché de la Croix-Rousse à Lyon (Rhône), en imitant plutôt efficacement l’accent marseillais. Premier stop, les passant·es écarquillent les yeux. Deuxième arrêt, le vendeur de bananes lui lâche son plus beau sourire. Troisième pause, les militant·es pour les élections municipales peuvent remballer leurs tracts… Valérie leur a volé la vedette.
À quelques pas de là, place des Tapis, la foule se masse autour de la gratte du professeur Zitouni en attendant la star du jour. Puis, à 11 h 10, la voilà qui se pointe. Zygomatiques bien réveillés, elle s’extirpe du véhicule vintage sous le regard impatient de l’assemblée. Le silence se fait, la maîtresse de cérémonie réajuste sa coiffe et prend place derrière son pupitre. Quelques notes de l’opéra Carmen en introduction et la pétillante quadragénaire se met à réciter une soixantaine de textes écrits sur des petits bouts de papier. Tantôt burlesques, parfois clownesques, souvent décalés et politisés, mais toujours humanistes et réalistes.

Levée du courrier
Ces petits papiers, qu’elle crie en public, cette « mi-comédienne, mi-chanteuse » tombée dans la marmite théâtrale à sa majorité, les a récupérés quelques jours plus tôt dans les neuf boîtes aux lettres qu’elle a fabriquées et mises à la disposition des habitant·es du quartier, dans des bars, un théâtre, un centre social… « N’importe qui peut laisser un mot pour que je le lise ensuite sur la place publique. Peu importe que cela soit des déclarations d’amour, des témoignages dramatiques ou une croix gammée dessinée, je ne cache rien, je montre tout », explique cette féministe de la première heure, au cœur bien ancré à gauche. « Comme je m’arrête deux mois durant l’hiver, les boîtes sont pleines lors de la[…]