Le procès des attentats de janvier 2015 s’est ouvert le 2 septembre. Le terrorisme islamiste touchait la France cette année-là, et dans les années qui suivirent, le mot de radicalisation était sur toutes les lèvres. Dans le Bas-Rhin, une trentaine de jeunes du département sont parti·es en Syrie. En voyant arriver à sa porte, dès 2014, des jeunes adressé·es par la Préfecture ou par des parents inquiets, la Maison des adolescents de Strasbourg a décidé d’aborder le problème comme les autres failles adolescentes, à contre-courant d’une politique judiciaire et répressive.
Pour la Maison des adolescents (MDA) de Strasbourg, tout a commencé en 2014. Cette structure à façade colorée, coincée entre deux immeubles, non loin de l’hôpital civil, a d’abord pour mission d’accueillir les jeunes de 12 à 25 ans qui traversent un mal-être (difficultés à l’école, addictions…). Cette année-là, dans une des pièces où les jeunes et leurs familles sont invité·es à se mettre à l’aise sur des canapés, le Dr Guillaume Corduan, pédopsychiatre, entend pour la première fois de la bouche d’une mère : « Ma fille m’a dit qu’elle allait partir en Syrie. » À l’origine, sa fille venait parler de ses souffrances, de sa tentative de suicide.
Ces trois dernières années, une soixantaine de jeunes, soupçonné·es de radicalisation, ont ainsi été suivi·es par l’équipe de travailleur·euses sociaux et de psys, dont une majorité de jeunes filles (en 2019, 57 % des dossiers suivis les concernaient) : certain·es ont été adressé·es par le parquet ou la préfecture pour « évaluer le danger » qu’ils et elles peuvent représenter pour eux-mêmes ou pour les autres ; d’autres ont été amené·es par un·e professionnel·le en contact avec la MDA – comme ce directeur de foyer, qui s’inquiétait de la crise identitaire d’une jeune fille. Souvent, ce sont des parents, inquiets des[…]