Un instant magique lors d’une sortie scolaire, un regard au fond de la classe, un élève qui sort du lot… Quand les journées sont longues et difficiles, voilà ce qui aide les enseignant·es à garder la foi.

Sophie
“Dans les yeux
de la majorité silencieuse,
je vois comme une prière”
Agrégée d’histoire-géographie, professeure en lycée à Bourg-en-Bresse (Ain)
« Je me raccroche à la majorité silencieuse. Les yeux de cette élève, au fond de la classe, qui ne dit rien, qui n’alimente pas le chahut général des pénibles et me regarde fixement dans les yeux. On dirait que c’est une prière. Je me dis “pour elle, le cours se fera”. Ce pilier m’a fait tenir à plusieurs reprises dans les moments de difficulté. Et puis il y a les moments plus exceptionnels, comme les voyages de classe. Ils illuminent la relation avec nos élèves sous un autre jour. Une fois, on les a emmenés à Paris. Forcément, on leur a montré les grands monuments. Arrivés sur la tombe du Soldat inconnu, sous l’Arc de triomphe, il s’est mis à tomber des cordes. On commençait à être vraiment mouillés. J’ai pensé que les élèves voudraient rentrer et j’ai commencé à les rassembler. Mais non, ils ont tenu à rester pour visiter. Ce sont eux qui l’ont demandé. Ce genre de surprise est un véritable cadeau. » A. V.
Carole Le Pocréau
“Leur apporter un peu de stabilité”
Enseignante en maternelle dans la banlieue de Nantes (Loire-Atlantique)
« On a des élèves qui vivent des situations très difficiles à la maison. Soit parce qu’ils sont posés devant la télévision et que personne ne les calcule, soit parce qu’ils sont confrontés à de la violence. On peut en retrouver certains dans le quartier à 22 heures et d’autres sont déjà des petits caïds, alors qu’ils sont seulement en maternelle.
Ce qui te motive, c’est que ces enfants-là, ils n’ont presque que toi sur qui s’appuyer. D’ailleurs, le fait que l’école soit obligatoire dès 3 ans, ça peut être une bonne chose pour certains. Déjà parce que ça limitera sûrement l’absentéisme – qui commence en maternelle et qui continue ensuite dans les grandes classes.
Un moment qui m’a beaucoup touchée cette année, c’est quand on est allé à la ferme. Beaucoup ne savaient pas reconnaître une vache. Ils ont tous essayé d’en traire une et ils n’en revenaient pas ! Là, tu te dis que tu leur apportes quelque chose. Et ça te motive. » A. B.
Alexandra
“Tu es tout le temps en train d’apprendre”
Professeure des écoles à Paris
« J’ai choisi l’enseignement il y a dix ans, après des études de droit dans lesquelles je[…]