Elles sont au plus près du pouvoir, et pourtant, zéro trace d’elles dans la loi. Les Premières dames sont à la fois célèbres, via leur mari président, mais invisibles ; à la fois centrales dans la com’ du chef d’État, mais sans statut officiel. L’historienne Armelle Le Bras-Chopard, spécialiste du sujet, éclaire ce rôle de contorsionniste politique en captivité.
Causette : Vos travaux soulignent un paradoxe : on ne voit pas vraiment les conjointes de président, mais on leur impose
en même temps un rôle de représentation publique.
Sur quoi repose ce deux poids, deux mesures ?
Armelle Le Bras-Chopard : Les Premières dames sont l’inverse des femmes de l’ombre : les projecteurs sont braqués sur elles quand leur mari devient président de la République. Selon une règle non écrite, « avoir » une épouse a été pendant long- temps l’accessoire indispensable pour prétendre à la magistrature suprême, un gage de moralité et de stabilité. Depuis le début de la IIIe République, les présidents sont des hommes mariés, à deux exceptions près : Gaston Doumergue, qui se maria avec sa maîtresse quinze jours avant de quitter l’Élysée, et François Hollande, qui n’était pas marié à Valérie Trierweiler. Si son existence semble nécessaire, cette épouse n’a cependant aucune légitimité politique. Son mariage – affaire purement privée – n’est pas le fruit d’une alliance diplomatique comme sous l’Ancien Régime, et elle n’a pas vocation à exercer le pouvoir comme les régentes de jadis. En démocratie, elle est une citoyenne comme les autres. Les obligations auxquelles elles sont astreintes ne sont pas écrites. Mais elles peuvent difficilement s’y sous-[…]