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Olivier Couderc (©David Valence)

« On entend des insultes, ils nous frappent » : dix ans après, Olivier Couderc retrace son agres­sion homo­phobe qui avait fait le tour des médias

Série "10 bou­gies arc-​en-​ciel", 6/​6

Le 17 mai 2023 marque les dix ans de la pro­mul­ga­tion de la loi Taubira, ouvrant le mariage et l'adoption aux couples de même sexe. À cette occa­sion, Causette donne la parole à des per­son­na­li­tés, artistes et poli­tiques, pour savoir com­ment ils et elles ont vécu cette période et com­ment cette avan­cée a chan­gé (ou non) leur vie. Dans ce sixième et der­nier épi­sode, Olivier Couderc, 33 ans, vic­time d'une vio­lente agres­sion homo­phobe en avril 2013 avec son ancien com­pa­gnon Wilfred de Bruijn, dont la pho­to du visage ensan­glan­té avait fait le tour des réseaux sociaux et des médias, revient sur la maté­ria­li­sa­tion très concrète de la haine homophobe.

"En 2013, dans la nuit du 6 au 7 avril, à quelques jours du vote de la loi, je sors d’une soi­rée d’anniversaire à Paris avec mon com­pa­gnon de l'époque, Wilfred. Il est 3h du matin, on décide de ren­trer à pied chez nous. On ren­contre alors un groupe qui nous tombe des­sus. On entend des insultes, des "PD" fuser. Ils nous frappent, nous donnent des coups de poing dans les yeux. On est son­nés : on savait qu'il y avait des agres­sions et qu'il fal­lait faire atten­tion dans l'espace public, mais quand même…

Notre enga­ge­ment nous sauve. On se dit qu'on ne va pas taire cet évé­ne­ment mais l'assumer. Le len­de­main, mon ex poste sur Facebook la pho­to­gra­phie de son visage ensan­glan­té, pour aler­ter nos proches sur ce qui vient de se pas­ser. Le soir, je me sou­viens que je lui pré­pa­rais une soupe, car il n'avait plus de dents après l'agression, et on voit que France 3 parle de ce qui nous est arri­vé. C'est un tour­billon qui com­mence. On inter­vient dans le plus de médias pos­sibles pour par­ler du mariage pour tous. Mais c'est dur. Un couple qui se fait agres­ser, cela vient cas­ser l'idée de refuge que consti­tue cette enti­té. Je ne me sen­tais plus en sécu­ri­té avec lui.

Après notre dépôt de plainte, la média­ti­sa­tion de l'affaire va per­mettre de faire avan­cer l'enquête. Trois jeunes hommes sont jugés en 2014. La jus­tice a répon­du fer­me­ment 1. C'est un moment impor­tant. Dix ans après, toute cette nuit est encore ancrée dans ma tête. Le vote du mariage pour tous, un mois plus tard, est émou­vant, c'est une étape forte dans notre enga­ge­ment LGBT+. Mais il y a une sen­sa­tion de l'ordre de la dou­leur qui y reste accro­chée. Aujourd'hui, j'ai encore des amis gays qui se font agres­ser. Mais depuis notre agres­sion, j'ai l'impression que les vic­times ne se cachent plus, que les affaires sont médiatisées.

Je suis res­té quatre ans avec Wilfried. On s'est sépa­rés en 2017. On a por­té cette his­toire long­temps, j'ai mis du temps à cica­tri­ser. J'ai ensuite ren­con­tré le dépu­té David Valence, du Parti radi­cal. Je me suis marié avec lui, en sep­tembre der­nier, à Saint-​Dié-​des-​Vosges, où il a été maire entre 2014 et 2022. Quand il m'a fait sa demande, j'ai tout de suite dit oui. Après m'être bat­tu pour le mariage pour tous, j'en avais envie. Je crois que cela fait aus­si par­tie de ma recons­truc­tion. Je suis res­sor­ti plus fort de ces épreuves. Et main­te­nant, je sou­haite construire quelque chose à deux.

Épisode 5 – « Je me suis dit qu'il fal­lait mon­trer notre amour au plus grand monde » : Christophe Beaugrand-​Gerin se rap­pelle de l'émotion res­sen­tie lors de son mariage

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  1. Deux des trois agres­seurs ont été condam­nés à trente mois de pri­son ferme, assor­tis res­pec­ti­ve­ment de douze et quinze mois de sur­sis avec mise à l'épreuve, un troi­sième a été condam­né à six mois avec sur­sis, pour n’avoir pas ten­té d’empêcher le délit.[]
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