Au collège Édouard-Vaillant, classé REP, à Gennevilliers, un laboratoire de pédagogies innovantes donne le goût de l’école à certain·es élèves exclu·es du système. Grâce à l’investissement de quelques professeur·es, cette classe est devenue une famille pour des ados souvent en prise avec la précarité.
Vendredi, 18 heures déjà passées. Grondement de pas dans les escaliers, puis silence. Le collège Édouard-Vaillant à Gennevilliers (Hauts-de-Seine) se vide de son millier d’élèves. Mais au deuxième étage, derrière une porte close, un air d’Aznavour et des rires s’échappent. Les élèves de troisième Cinc (Classe inclusive, numérique et coopérative) ne se précipitent pas pour quitter les lieux. Il y a Khalil, Basma, Elya, Khushbakht et d’autres encore. « C’est un peu chez nous ici », affirme Basma. Dans ce collège classé REP (Réseau d’éducation prioritaire), la classe Cinc, créée il y a deux ans – les élèves étaient alors en cinquième – par Thibault Lambert et Émilie Baron, deux jeunes professeur·es super motivé·es, a tout d’une petite famille. Parmi les vingt-cinq
élèves, qui sont suivi·es d’une année sur l’autre tout au long du cycle, on retrouve d’ancien·nes décrocheur·euses, des élèves allophones (de langue maternelle étrangère), mais aussi d’excellents éléments ou des enfants en situation de handicap. Grâce à une équipe pédagogique spécifique, com- posée de neuf professeur·es, tous et toutes sont devenu·es des inconditionnel·les de l’école. Les non-francophones ont appris la langue en quelques mois.

Tout commence en 2017, avec un « coup de foudre professionnel », détaille au téléphone Émilie Baron, 35 ans, actuellement en congé maternité. Cette année-là, la professeure de mathématiques débute dans ce collège après sept années dans l’enseignement privé. Thibault Lambert, 28 ans aujourd’hui, fait alors sa première rentrée de titulaire. Auparavant, pour financer ses études à l’École normale supérieure de Lyon, il a travaillé comme professeur contractuel dans un collège classé REP à Villeurbanne (Rhône), où on accueillait les profs debout sur les tables et on testait le nouveau ou la nouvelle pour voir combien de temps il ou elle tiendrait. Thibault Lambert a tenu. Il a même découvert sa vocation. Il a ensuite passé son Capes de lettres, est parti à Morteau, à la frontière suisse, pour son année de stage, où il a eu des élèves issu·es de milieux privilégiés, mais ne s’y est pas vraiment retrouvé. Il retourne donc en REP, là où il pense être plus utile. Pour sa première année en tant que titulaire, il choisit ces[…]