• Rechercher
  • Mot de passe oublié ?
  • Mot de passe oublié ?

L'ampleur des vio­lences sexistes et sexuelles dans les études de médecine

group of doctors walking on hospital hallway
© Luis Melendez

On le sait, le sexisme et les vio­lences sexuelles n'épargnent aucun milieu. Pour mesu­rer l'étendue du phé­no­mène dans le sec­teur de la méde­cine, l’Association Nationale des Etudiants en Médecine de France (ANEMF) a lan­cé une vaste enquête auprès d’eux sur les vio­lences sexistes et sexuelles dans les études médi­cales. Elle en dévoile les résul­tats aujourd’hui.

En 2017, le tum­blr Paye ta blouse s'ouvrait pour dénon­cer le sexisme dans le milieu hos­pi­ta­lier. Soupçonnant que les étudiant·es en méde­cine n’étaient pas épargné·es par ce phé­no­mène, l'Association natio­nale des étu­diants en méde­cine de France (ANEMF) a réa­li­sé une enquête sur un panel de près de 4 500 étudiant·es, dont une majo­ri­té de femmes, entre le 8 mars et le 30 avril 2020. Dans un com­mu­ni­qué, l’ANEMF détaille les rai­sons de cette démarche : « Afin de pou­voir com­battre les causes et non seule­ment les symp­tômes, il nous est appa­ru évident de nous inter­ro­ger sur une des omer­ta per­sis­tantes du milieu hospitalo-​universitaire à laquelle nous sommes confron­tés, une omer­ta qui chaque année crée ou accen­tue le mal-​être de trop nom­breux étu­diants en méde­cine. » L’étude s’intéresse à toutes les formes de vio­lences sexistes et sexuelles, de la remarque sexiste au viol, à la fois au sein de la facul­té de méde­cine et dans le milieu hos­pi­ta­lier. Cette enquête a été réa­li­sée à l'aide d'un for­mu­laire dis­po­nible sur Internet. Ses auteur·trices indiquent donc « qu'une per­sonne vic­time de vio­lence sexiste et/​ou sexuelle aura plus ten­dance à répondre au son­dage qu’une per­sonne qui n’a pas été vic­time de telles pratiques. »

Dans le cadre de la faculté 

Parmi l’ensemble des participant·es à l’enquête, près de 39 % d’entre eux et elles ont déjà fait l’objet de remarques sexistes au sein du milieu uni­ver­si­taire, mais seule­ment 11,4 % des étudiant·es ont signa­lé ce har­cè­le­ment à une per­sonne tierce. Dans neuf cas sur dix, c’était à un·e proche. Lorsque ces remarques sont répé­tées plus d'une fois, on parle alors de har­cè­le­ment. Ils et elles sont 32 % à avoir été vic­times de har­cè­le­ment au sein du milieu uni­ver­si­taire, mais tout juste 14 % à l’avoir signa­lé, là aus­si de pré­fé­rence à un·e proche. Plus de 15 % des répondant·es ont déjà subi des agres­sions sexuelles dans leur vie uni­ver­si­taire, les­quelles se sont dérou­lées, dans neuf cas sur dix, lors de mobi­li­sa­tions orga­ni­sées entre étudiant·es (soi­rée de gala, week-​end d’intégration…). 

Un chiffre qui vient ren­for­cer ce que l’on sait déjà sur les dérives ayant lieu lors de ce type de ras­sem­ble­ment. D’ailleurs, sur les 119 viols qui ont été signa­lés, 72 % avaient eu lieu lors de ces évé­ne­ments. Une bru­ta­li­té qui semble presque nor­ma­li­sée et dont témoigne Angélique, étu­diante en méde­cine : « Lors d'une soi­rée arro­sée, un mec a for­cé une amie pour avoir un acte sexuel. Elle l’a repous­sé mais il n’a pas com­pris tout de suite. Il n’y a pas eu péné­tra­tion, mais de la lour­deur, oui. Tout ça, c'était pour un "concours" et il venait de cou­cher avec une fille 30 minutes avant. […] Il s’est fina­le­ment excu­sé deux mois plus tard. » Louise, confirme : « Un jour, un étu­diant m’a dit : "on ne vient pas en soi­rée si on n’aime pas se prendre une main au cul". »

Au sein du milieu hospitalier

Quand les élèves quittent les bancs de la fac, les vio­lences sexistes et sexuelles conti­nuent de plus belle au sein des éta­blis­se­ments hos­pi­ta­liers. Que ce soit dans le cadre de leur stage, leur exter­nat ou leur inter­nat, il s'avère que 39 % des répondant·es ont déjà été vic­times de remarques sexistes. Et 30 % des étudiant·es, sans dis­tinc­tion de genre, ont ain­si recon­nu avoir été vic­times de har­cè­le­ment sexuel. Problème : 38 % d’entre elles et eux consi­dèrent que le signa­le­ment de ces agis­se­ments n'aiderait pas à y mettre fin. L’enquête affirme éga­le­ment « qu’un quart des répon­dants n’avaient pas envie de signa­ler, ne savaient pas à qui s’adresser ou avaient peur des retom­bées néga­tives que cela pour­rait avoir, tant sur leur ave­nir uni­ver­si­taire et la vali­da­tion de leur stage, que sur les consé­quences pour leur future car­rière pro­fes­sion­nelle. » Des craintes entre­te­nues par le fait que dans près de neuf cas sur dix, les actes étaient per­pé­trés par un supé­rieur hié­rar­chique. Alors quand ils et elles osent enfin par­ler, 80 % pré­fèrent se confier à un·e proche ou une per­sonne de confiance plu­tôt qu’aux pou­voirs publics où à une institution. 

Anne, étu­diante en 3ème année de méde­cine : « Mon interne en chi­rur­gie vis­cé­rale m’a fait ouvrir la bouche. Je n'ai pas trop com­pris pour­quoi mais j’ai accep­té. Là il m’a dit "tu as une belle bouche de suceuse toi." Je n’ai jamais signa­lé cet évé­ne­ment.
» Julia, alors sta­giaire : « Un chef pas­sait son temps à faire des allu­sions sexuelles à chaque phrase pro­non­cée par qui que ce soit. Un jour, j'arrive avec du rouge à lèvres, il me dit : "C'est magni­fique ça donne envie de t'embrasser ! Si on allait au res­to après ? " J'ai bugué, je n'ai pas rele­vé tel­le­ment c'était gros. J'aurais dû. »

L'enquête a aus­si deman­dé aux étudiant·es s’ils et elles avaient déjà subi des « attou­che­ments hors péné­tra­tion, des mains aux fesses ou autres gestes sexuels. » 5 % des répon­dants ont recon­nus avoir été vic­times de ce genre de gestes. Et comme pour le har­cè­le­ment, ce sont les supé­rieurs hié­rar­chiques qui seraient incri­mi­nés dans un cas sur deux détails le rapport.

Maelys, externe en car­dio­lo­gie : « A plu­sieurs reprises, un chef m'a mis une main aux fesses après avoir eu plu­sieurs gestes très limite à mon encontre, comme sys­té­ma­ti­que­ment prendre les sty­los dans la poche de poi­trine de ma blouse, même si je lui en ten­dais un. Je l'ai signa­lé lors de l'évaluation de stage, mais rien n'a été fait. »

Dans les cas d’agressions, c’est 22 % d’étudiant·es qui déclarent effec­tuer des signa­le­ments. Mais comme dans les cas de har­cè­le­ment, la peur des retom­bées et l’impression que dénon­cer ne ser­vi­rait à rien est très pré­sente. Un cli­mat pesant que res­sentent même ceux et celles qui ne sont pas vic­times. « Sans me sen­tir visée, je trouve que cet "humour cara­bin" fait pour se "détendre" est par­ti­cu­liè­re­ment lourd. Cela est mis en exergue par leurs des­sins immondes dans les inter­nats, repré­sen­tant des scènes comme une femme dénu­dée en train de sucer un homme. Ou alors des écri­tos du style : "xx xx suce au 06xxxxxxxx" ou "j'ai la bouche pleine" » déplore a son tour Chloé.

Lire aus­si l Docteures queens : les femmes méde­cins contre l’esprit carabin

Partager