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« La diplo­ma­tie fémi­niste per­met des actions concrètes en Afrique » : la mili­tante fémi­niste came­rou­naise Rolande Absayah, en délé­ga­tion à Paris

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Rolande Absayah à l'hôtel Ibis Bastille © Camille Pineau

Une délé­ga­tion de sept mili­tantes fémi­nistes afri­caines, dont Rolande Absayah, a été invi­tée à Paris par le pro­jet Féministes en Action, finan­cé par l'Agence Française de Développement, du 23 au 27 jan­vier. Les repré­sen­tantes d'association ont échan­gé sur leurs « attentes et recom­man­da­tions » au sujet du Fonds de soli­da­ri­té aux orga­ni­sa­tions fémi­nistes (FSOF) lan­cé dans le cadre de la « diplo­ma­tie fémi­niste » fran­çaise. Entretien.

Le pro­jet Féministes en Action, qui regroupe trois ONG (CARE, Oxfam, Equipop) et trois fonds fémi­nistes (FFMed, XOESE, IPBF), finan­cé par L'Agence Française de Développement, a réuni du lun­di 23 au ven­dre­di 27 jan­vier sept femmes repré­sen­tantes d’associations fémi­nistes afri­caines pour une série de rendez-​vous. Durant une semaine, elles ont pu trans­mettre leurs « attentes et recom­man­da­tions » au sujet du Fonds de soli­da­ri­té aux orga­ni­sa­tions fémi­nistes (FSOF). Lancé par Emmanuel Macron en 2019 lors du G7 pour amor­cer une « diplo­ma­tie fémi­niste » fran­çaise, ce fonds s'élèvève à hau­teur de 120 mil­lions d'euros. Le pro­jet Féministe en Action en a notam­ment reçu 15 mil­lions afin d'aider les asso­cia­tions fémi­nistes. À ce jour, 143 orga­ni­sa­tions fémi­nistes de ter­rain ont pu béné­fi­cier d'une enve­loppe finan­cière. Causette a inter­ro­gé Rolande Absayah, pré­si­dente de l’association au Secours des Filles Mères du Cameroun, pour dres­ser le bilan de cette semaine. 

Causette : Que repré­sente ce dépla­ce­ment à Paris pour vous ?
Rolande Absayah : Au Cameroun, on est sept orga­ni­sa­tions à béné­fi­cier du FSOF. Après un vote entre nous, c’est moi qui ai été choi­sie pour toutes les repré­sen­ter durant cette semaine. Je suis venue ici pour faire por­ter nos mes­sages au gou­ver­ne­ment fran­çais et pour le remer­cier de ce qui a déjà été mis en œuvre. On veut main­te­nir la rela­tion d'aide aux droits des femmes et rendre plus flexible l’obtention de fonds, parce que ça reste com­pli­qué, notam­ment admi­nis­tra­ti­ve­ment. En nous enten­dant par­ler direc­te­ment, on huma­nise nos pro­blèmes, nos inter­lo­cu­teurs voient com­ment ça se passe sur le ter­rain et ils et elles sont obli­gés d’être attentifs. 

Causette : Présentez-​nous votre asso­cia­tion, vos mis­sions et actions.
R. A. : Notre asso­cia­tion œuvre pour que les femmes et filles de la région extrême nord du Cameroun puissent jouir de leurs droits éco­no­miques. Pour cela, on tra­vaille notam­ment à l’éducation des filles. Mais avec le poids de la reli­gion, des mau­vaises pra­tiques cultu­relles et tra­di­tion­nelles et le patriar­cat, je peux vous dire que l’autonomisation des femmes est ralen­tie. Nos actions sont ciblées sur vingt vil­lages où on a eu l’accord du lea­der tra­di­tion­nel pour effec­tuer des séances de sen­si­bi­li­sa­tion. Pour l'instant, on a œuvré dans huit d’entre eux. Et cer­taines femmes ont reçu des for­ma­tions à des acti­vi­tés géné­ra­trices de reve­nus pour leur per­mettre d’être auto­nomes finan­ciè­re­ment. Pour le moment, avec l'argent que l'on a, c'est tout ce qu'on peut faire. 

Causette : Qu’est-ce que le FSOF vous a appor­té depuis 2019 ?
R. A. : Grâce à ce fonds, l’association a reçu 30 000 euros pour deux ans. Avec cet argent, on a pu orga­ni­ser des dépla­ce­ments dans les vil­lages pour mener des actions de plai­doyers pour les droits des femmes, pour l’économie. On a déjà tou­ché 30 000 femmes. On a inves­ti dans deux machines à coudre et on a for­mé l’année der­nière dix filles à la cou­ture, la tein­ture, le tex­tile ou encore le tri­co­tage. On aime­rait aller plus loin, mais on manque de budget. 

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Causette : Quels rendez-​vous avez-​vous eus cette semaine ? Est-​ce qu’il y en a un qui vous a mar­quée ? 
R. A. : On a enchaî­né les rendez-​vous. On a ren­con­tré Isabelle Rome, la ministre en charge de l’Égalité entre les femmes et les hommes, le conseiller tech­nique du Président aux affaires glo­bales, Chrysoula Zacharopoulou, la secré­taire d'Etat char­gée du Développement, de la Francophonie et des Partenariats inter­na­tio­naux, des audi­tions au Sénat et à l’Assemblée natio­nale avec la délé­ga­tion des droits des femmes et Emmanuel Besnier en charge de la sous-​direction d’Afrique Occidentale au minis­tère des Affaires Etrangères. Deux rendez-​vous m’ont mar­quée. Celui avec le conseiller tech­nique aux affaires glo­bales parce qu'il était fier de nous rece­voir et il a été très opé­ra­tion­nel dans ses pro­po­si­tions et dans ses pistes. Il nous a conseillé de nous tour­ner vers la Banque afri­caine de déve­lop­pe­ment et nous a invi­tées pour la semaine de la fran­co­pho­nie par exemple. Et Isabelle Rome nous a fait la pro­messe de nous sou­te­nir et de faci­li­ter l’obtention de sou­tiens exté­rieurs, sur­tout aux petites orga­ni­sa­tions comme nous. 

Causette : Cette semaine a‑t-​elle été à la hau­teur de vos attentes ? 
R. A. : Dans l’ensemble, on a vu l'intérêt qui était por­té à ce qu’on avait à dire, à nos témoi­gnages, on était assez contentes et satis­faites. Il y avait de réelles oreilles atten­tives, on a même des rendez-​vous qui se sont ral­lon­gés ! Et on a pu aller au fond des choses, au fond des pro­blé­ma­tiques et des enjeux. 

Causette : Pourquoi l’intervention de la France est-​elle impor­tante pour votre asso­cia­tion ? 
R. A. : Elle est très impor­tante, car au niveau de mes propres auto­ri­tés natio­nales, je n’ai pas de fonds. Les deux fonds que j'ai reçus depuis la créa­tion de l'association [2016 ndlr] viennent de l'extérieur du pays. Une des sept femmes pré­sentes cette semaine m’a dit que je pou­vais trou­ver des fonds au niveau des ambas­sades. Je ne savais pas que c’était pos­sible, je me ren­sei­gne­rai quand je serai au Cameroun. 

Causette : Quelles sont vos attentes pour la suite ? 
R. A. : Mon rêve c’est de pou­voir ouvrir un centre pour la for­ma­tion des femmes et des filles et pour­quoi pas un centre d’alphabétisation. Pour cela, il faut que les actions soient concrètes, faci­li­ter l'accès à ce fonds de sou­tien et le rendre pérenne. On nous a dit que le FSOF allait être renou­ve­lé, mais il ne faut pas que ce soit juste des effets d’annonce pour dire que la France se targue d'avoir une diplo­ma­tie féministe. 

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