La journaliste Elvire Emptaz s'est plongée dans les vies en pointillé des femmes passées par la prison, pour six mois ou 20 ans. En résulte un livre poignant où se mêlent béance de la politique publique de réinsertion et blessure intime de femmes qui ne se pardonneront jamais.
Souvent invisibles, seules 3,2% des détenu·es sont des femmes. Journaliste passée par Causette ou encore Vanity Fair, Elvire Emptaz s'est intéressée au sort de celles qui sortent de prison et dont on parle encore moins que celles qui sont derrière les barreaux. Dans Je suis dehors, un premier livre magistral qui paraît ce 18 janvier aux éditions JC Lattès, Elvire Emptaz donne la parole à 14 ex-détenues ou femmes qui sont encore incarcérées mais sur le point de sortir pour qu'elles évoquent leur vie d'après. L'ouvrage est préfacé par Leïla Slimani.
Avec une précieuse sensibilité qui se reflète dans sa jolie écriture, Elvire Emptaz raconte ses rencontres avec ces femmes au destin fracassé, la façon dont la prison les abime et, de rares fois, leur donne un nouvel élan, et explore avec elles le nouveau monde qui les attend à la sortie, entre impossibilité de se pardonner, difficultés de se réinsérer dans une société qui leur est étrangère, aide de rares associations et liens renoués avec quelques proches. Car c'est là la double peine des femmes condamnées, nous dit l'autrice : contrairement aux hommes pour lesquels défilent soeurs, mères, compagnes aux parloirs, trop souvent les prisonnières se retrouvent abandonnées et esseulées. Décrire cette désolation, le peu de considération qu'on porte à ces vies et leur invisibilation, c'est tendre un miroir peu amène à notre société. Entretien avec Elvire Emptaz.

Causette : Vous êtes journaliste spécialisée sur les sujets de société mais pas spécifiquement de la prison. Quelle la genèse du livre ?
Elvire Emptaz : Avec mon éditrice, Clara Dupont-Monod, nous réfléchissions sur les thématiques de l'après. J'avais envie de travailler sur un sujet dont on parle beaucoup mais sans jamais dire ce qui se passe après. Cela peut s'appliquer à beaucoup de thèmes, celui des enfants placés en foyer, par exemple, une fois qu'ils ont 18 ans. Clara est engagée dans l'association Lire pour en sortir, qui propose des ateliers littéraires aux détenus, nous en avons parlé, et le sujet est né de cette conversation.
On médiatise, à travers les faits divers et les comptes rendus judiciaires, les causes qui conduisent une personne en prison, mais la sortie, c'est un impensé de notre société. Cela n'existe pas. Axer sur les femmes, c'était encore plus pertinent à mon sens, parce qu'on parle très peu[…]