Série "10 bougies arc-en-ciel", 3/6
Le 17 mai 2023 marque les dix ans de la promulgation de la loi Taubira, ouvrant le mariage et l'adoption aux couples de même sexe. À cette occasion, Causette donne la parole à des personnalités, artistes et politiques, pour savoir comment ils et elles ont vécu cette période et comment cette avancée a changé (ou non) leur vie. Dans ce troisième épisode, Jean-Luc Roméro-Michel, adjoint PS à la mairie de Paris, raconte avec émotion qu'après avoir connu les années sida, il n'aurait jamais pensé être vivant pour se marier un jour.
"Il y a dix ans, je me battais pour que l'on obtienne le mariage pour tous, mais personnellement cela ne m'intéressait pas tellement. Mon compagnon Christophe (décédé en 2018, ndlr), avec qui j'étais en couple depuis six ans, avait plus ce désir que moi. Mais ces manifestations monstres, avec ces gens qui défilaient contre nos droits, m'ont finalement donné envie, de manière vitale, de sauter le pas. Je me suis rendu compte que ce qui n'était pas un désir l’est devenu.
Le 23 avril 2013, jour du vote à l'Assemblée nationale, on était présents dans l'hémicycle pour suivre les débats. J'étais tellement sûr que le texte allait passer que j’avais prévu de faire ma demande en mariage juste après. J'avais amené la bague. Christophe ne se doutait de rien. Je lui ai ensuite demandé de m'épouser sur la place de la Concorde, face au palais Bourbon. Le soir, je me souviens que le Marais est devenu une espèce de grande fête. Les bars étaient pleins, les gens étaient heureux. On avait vécu des mois d’une violence inouïe… Moi, séropositif et qui ai connu les années sida, je n'aurais jamais pensé être encore vivant pour me marier. C'était surréaliste, inimaginable !
Mon mariage, le 27 septembre 2013, est sûrement le plus beau jour de ma vie. Je me suis uni à Christophe dans le 12ème arrondissement de Paris. Bertrand Delanoë a officié notre cérémonie et Anne Hidalgo faisait partie de mes témoins. Je pensais à tous mes amis disparus, qui n’auraient jamais pu imaginer ça. On savait que l’on vivait un moment extrêmement fort. Je me disais qu’il fallait profiter au maximum. On a fait la fête ensuite chez Castel. La comédienne trans Stella Rocha, égérie du Banana Café, un bar gay iconique de Paris, a animé la soirée. C'était très drôle parce que toute la soirée, elle a appelé Bertrand Delanoë « Monsieur le préfet », car au Brésil, où elle est née, les maires sont appelés ainsi. Il ne faisait que lui dire qu'on disait « maire » et non « préfet ». Elle a apporté une touche de fantaisie à notre fête, où étaient également présentes mes amies Valérie Trierweiler, Line Renaud et Stone. Ces deux dernières ont d'ailleurs chanté. C'était fabuleux !
Cette même année, en tant qu'adjoint à la mairie de Paris, j’ai officié devant des lesbiennes de 85 ans, parfois même de 90 ans. C’était hallucinant ! Je me souviens de deux femmes qui s’étaient aimées plus jeunes, avant de se marier avec des hommes et d’avoir des enfants. Elles étaient restées en contact. Quand leurs enfants ont grandi, elles ont quitté leurs maris et ont été au bout de leur histoire d’amour. Ce sont des histoires extraordinaires et qui n’appartiennent qu’à la communauté LGBTQIA+ : il y a toujours quelque chose de très fort lorsque deux personnes de même sexe se marient."