Violée à l’âge de 15 ans par son père, Eva Thomas a dédié sa vie à la lutte contre l’inceste. Elle est la fondatrice de l'association de défense des victimes, SOS Inceste et surtout reste la première femme à avoir témoigné à visage découvert.

Eva Thomas n’est pas une inconnue pour celles et ceux qui luttent contre les violences sexuelles et l’inceste. Son CV militant, elle l’a de nombreuses fois partagé dans les médias, parfois jusqu’à l’épuisement. Aujourd’hui, quand on lui demande ce qu’elle aimerait mettre en avant dans sa bio, elle n’évoque pas le viol par son père l’année de ses 15 ans en 1957, ni la fameuse émission des dossiers de l’écran en 1986 où elle avait osé témoigner face caméra en essuyant en direct les reproches d’auditeur·trices défendant les « amours parents-enfants ». Non, ce qu’elle aimerait qu’on retienne d’elle, c’est l’année de ses 10 ans où sa formidable propension à imaginer tous les possibles lui a donné l’énergie, par la suite, de tout dépasser.
« J’ai pris mon destin en main à 10 ans et ça m’a sauvée ! Ce premier acte de liberté m’a portée vers la vie tout le temps et m’a empêchée de sombrer. », explique-t-elle. À 10 ans, elle ambitionnait de devenir institutrice, mais en 1952, l’époque n’était pas vraiment à l’émancipation des femmes et sa famille lui causait plutôt mariage.
Devenir nonne pour s'échapper
Pour échapper à ce destin bien planifié par le patriarcat, elle a fait croire au curé de son village qu’elle avait la vocation, que Dieu l’appelait pour être institutrice religieuse en Afrique ! Transporté par ce miracle local, l’homme de foi a vendu le projet à ses parents. Soutenue par des bourses nationales, Eva Thomas a donc passé le concours d’entrée en sixième pour rejoindre le couvent de ses tantes et y faire ses études. « J’ai joué à fond le jeu de la future bonne sœur. J’ai toujours su que je construirai ma vie[…]