Dans les années 1870, le dimanche, les Françaises lisaient La Mode illustrée, un mélange de Elle – pour les conseils « facheune » – et de Modes & Travaux – pour les patrons et le bon sens domestique. Mais le plus passionnant dans La Mode illustrée, ce n’est pas la mode, mais l’« Endiguement des renseignements », son courrier des lectrices.

Mi-rubrique de mode, mi-rubrique de savoir-vivre, la foire aux questions de La Mode illustrée est administrée par la directrice de publication elle-même, Emmeline Raymond, véritable mentor des familles (elle vendait même sa photo dédicacée à ses lectrices !). Elle tiendra la rubrique du courrier jusqu’à sa mort, en 1902. Pourquoi l’appeler l’« Endiguement » ? Parce qu’Emmeline a très vite saturé sous les questions pressantes de ses lectrices (90 000 abonnées dans toute la France, issues de cette bourgeoisie naissante de la fin du XIXe). Elle a donc astucieusement – et pragmatiquement – décidé de ne publier chaque semaine que ses réponses, précédées du numéro d’abonnée et de la région de résidence de la demanderesse, tout en rappelant avec humour que ses compétences se limitent à « la toilette, l’ameublement, le savoir-vivre, l’économie domestique ». Mais les questions des lectrices dépassent largement ces sujets et, à la lecture de la compilation (1870−1879) qu’en a fait l’écrivaine marseillaise Fabienne Yvert, on voit se dessiner ce que doit être une femme « bien sous tous rapports ».
Tout y passe, les relations entre hommes et femmes, entre domestiques et maîtres, la vertu des jeunes filles… Emmeline, bonne garante de la morale bourgeoise et catholique, renseigne ses lectrices avec sérieux, autorité et esprit, en quelques phrases[…]