Billet. À la chasse aux électeur·rices en ce week-end Pascal, Emmanuel Macron a choisi de mettre tous ses œufs dans le même panier, orné d’un joli ruban rouge. Quitte à nous faire frôler la crise de foi(e). Pour son premier meeting d’entre-deux-tours, le président-candidat s’est offert, samedi 16 avril, la ville de Marseille (PACA). Macron n’a pas choisi la cité phocéenne, bastion de l’insoumis Mélenchon, par hasard. Elle est la suite logique de son virage à gauche amorcé ces dernières semaines.
Logique mais pas forcément évident lorsqu’on observe son quinquennat, qui a définitivement penché à droite. Tout comme son début de campagne, marqué notamment par une proposition visant à obliger les bénéficiaires du RSA à « consacrer 15 à 20 heures par semaine à une activité permettant d’aller vers l’insertion professionnelle. » Mais, sans vergogne, à l’heure où il lui faut affronter Marine Le Pen (RN) au second tour, Emmanuel Macron choisit de capitaliser sur sa gauche et multiplie les annonces dans cette direction.
Retour à Marseille. Face à 4 200 personnes, dont plusieurs centaines de militant·es venus en TGV spécialement affrétés pour l’occas, le président-candidat a égrené un discours qu’il voulait vert prairie. Il a premièrement dégainé que « la politique [qu’il mènera] sera écologique ou ne sera pas ». Dans ce virage à bâbord avec l’écologie comme phare, Emmanuel Macron a pulvérisé les limites en souhaitant notamment dédier une Fête à la nature. Fête de la nature qui existe depuis 16 ans et qui a lieu cette année du 18 au 22 mai. Oups.
Mesures made in gauche
Pour instaurer cette autre « grande cause du quinquennat » qui sera donc écologique, l’heure est désormais au recyclage… des mesures des candidat•es de gauche. Emmanuel Macron a premièrement récupéré le concept de « planification écologique » cher à Jean-Luc Mélenchon (LFI). Il entend en ce sens charger son (futur) Premier ministre de cette planification écologique dont la mission sera « de faire de la France la première grande nation à sortir du gaz de charbon et du pétrole ».
Le président candidat n’en était toutefois pas à son coup d’essai en termes d’emprunts. Le 13 avril, pour justifier son envie d’ « enrichir » son projet en y ajoutant ceux des candidats de gauche, il citait sur France 2 les propositions de l’écologiste Yannick Jadot (EELV) « sur les sujets d’économie circulaire ». Autre représentation, autre récupération : lors de son premier – et unique – meeting avant le premier tour à la Défense, le 2 avril, Emmanuel Macron scandait « nos vies, leurs vies, valent plus que tous les profits ! » en revenant sur l’affaire Orpea qui a remis en lumière la problématique de la maltraitance dans les Ehpad. Une formule chère à l'extrême gauche puisqu'il s'agit d'un slogan emprunté à Philippe Poutou, candidat du Nouveau parti anticapitaliste (NPA).
Une allusion à peine voilée
Dans un énième changement de cap, le candidat LREM s’est déclaré être « prêt à bouger » sur la déconjugalisation de l’Allocation aux adultes handicapé·es (AAH) que son parti avait pourtant jusque-là toujours rejetée à l’Assemblée. Plus surprenant encore, le rétropédalage sur la réforme des retraites et notamment sur l’âge de départ. Le 2 avril à La Défense, Emmanuel Macron avait annoncé, intransigeant, porter l’âge légal à 65 ans. Moins de dix jours plus tard il atténuait ses propos : « ça va prendre du temps, ça se discute ».
Dernier exemple d’un Macron qui tangue désormais à gauche : lors d’un échange en marge de son meeting à Strasbourg (Bas-Rhin), le candidat, qui en 2018 parlait du voile comme d’un « objet qui n’est pas conforme à la civilité », s’est réjoui qu’une jeune femme le porte par choix. Un appel du pied transparent au vote communautaire, dans un second tour face à l’extrême droite.
En 2017, Emmanuel Macron se disait « ni de droite, ni de gauche » et avait parié sur la stratégie du « en même temps » pour remporter la partie contre Marine Le Pen. Face à la même candidate cinq ans plus tard il semble désormais avoir tranché, au regard des circonstances. Il nous reste à espérer qu’une fois passé le cap du 24 Avril, s’il est élu, qu'il tienne ses promesses. Sinon, la gauche viendra lui tirer les oreilles.