Carrières morcelées, salaires inférieurs, séparations, les pensions des femmes sont plus faibles que celles des hommes. Alors que le gouvernement concocte une réforme qui devrait repousser l’âge de départ à 65 ans, Causette est allée à la rencontre de retraitées précaires, qui se débrouillent pour s’en sortir.
Dans son petit appartement niché dans le village médiéval de Lautrec, dans le Tarn, Marie-Brigitte Le Ralle, 71 ans, passe de nombreuses heures les yeux rivés sur son compte en banque. Assise dans son salon, elle compte et recompte. « Je calcule absolument toutes mes sorties d’argent, confie-t-elle avec pudeur. Je fais tout pour ne pas me retrouver à découvert, mais c’est très difficile. Plus ça va et moins je m’en sors, car tout augmente. » Avec seulement 700 euros de pension mensuelle, Marie-Brigitte ne peut plus faire face. Il y a quelques mois, son four l’a lâchée. Impossible d’en racheter un autre. « J’attends le versement trimestriel de ma retraite complémentaire pour le remplacer par un modèle miniature, détaille-t-elle. Mais je ne suis pas sûre que cet argent – 350 euros environ – suffise, car il me sert aussi à payer les frais de révision de ma voiture, mes factures d’eau et celles d’électricité. » Le nouveau four attendra sans doute. Tout comme le renouvellement de ses lunettes, qui ne sont plus à sa vue depuis longtemps, mais qu’elle ne peut changer de peur d’avoir à avancer les frais. « Depuis avril dernier, j’ai droit à des paniers-repas du Secours populaire, poursuit la Tarnaise. J’ai mis des mois à ne pas pleurer en y allant. C’était impossible de ne pas m’effondrer. J’avais l’impression de ne plus avoir la moindre dignité. » Marie-Brigitte vit sa retraite, prise en 2011, comme un déclassement social. Celle qui a été tour à tour comédienne, intérimaire, formatrice et enfin responsable de chambre[…]